DES NOUVELLES DE BUENOS AIRES #2

Une petite plaisanterie fort répandue ici : "When God came to Argentina, he only stayed in Buenos Aires". Je le comprends, j'ai fait pareil.

Toujours pas croisé d’anciens SS en uniforme. Par contre, j’ai vu der Loden Haus (la maison du loden). Cool. On progresse.

Véronique m'écrit : "mes potes t'ont trouvé très macanudo !" Euuuuh, ok, merci mais ça veut dire quoi ? Vite, un dico en ligne. Tout ce que je trouve c'est "qui a de gros biceps". Bon. Merci, disons.

On vient de me confier une nouvelle enquête, sur demande expresse de Max cette fois : "Cher Thierry, Je me demandais qu’el était le statut des végétariens en Argentine. On les enferme ? On les place dans des camps d'attendrissage ou de rééducation ?" Max, il faut d’abord que je vérifie si le terme « végétarien » existe ici. Pas certain que le terme soit légal en fait.

Mon cher Thierry, n’oublie pas qu’en Argentine, le poulet est le seul légume autorisé !

Eric Boschman

En pleine visite architecturale, on prend le métro et le guide explique que jusqu’il y a une dizaine d’années, le métro était de fabrication belge. Comme je ne crains rien, j’en viens quasi aux mains avec lui en lui expliquant que haha c’est n’importe quoi, que nous n’avons jamais fait de métros, qu’il a dû confondre avec les speculoos, etc. Sauf qu’il avait raison, que le constructeur s’appelait La Brugeoise et Nivelles, qu’il a été créé en 1956 et qu’il a été englobé fin des années 80 par le fabricant canadien Bombardier. #MaisQuelGrosIdiotCeThierryTinlot

Un prêtre distribue des bénédictions dans les rues du quartier de San Telmo.

Trouver du cash c’est vraiment compliqué, ici. Il m’a fallu attendre la 5e banque pour qu’un distributeur me permette de retirer la mirifique somme de 60 euros (avec, en sus, une commission de 18%). C’est tellement galère que tous les commerces font une ristourne si on paie en espèces.

Question de Sergio Salma : « Dans l'hémisphère sud, vous fêtez le passage vers l'année 2023 ? »

« Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau ». Dicton local, trouvé dans cet EXCELLENT bouquin, et qui illustre le fait que Buenos Aires est une ville qui a été conçue par les Européens.

Dans le genre WTF, il y a ici un Musée de la Dette Extérieure.

Ici aussi, il y a un pont Calatrava. Aaaah, l’inévitable Santiago Calatrava. Qui fait un peu toujours la même chose mais qui sait se vendre. Pour justifier son design habituel (une pointe à 45 degrés), il a expliqué à la presse locale que "c’était un couple qui dansait le tango". Ooooh, tan imaginativo !

Commentaire d’un Australien avec qui je devisais devant le pont : « Chez nous, il aurait vendu la même pointe en expliquant que c’est un kangourou qui saute ». Ou comment démonter le système Calatrava en quatre secondes.

On continue dans le marketing, tiens. Très populaire en Amérique Latine : le mousseux Chandon, très vague département cheap de chez LVMH qu’ils n’oseraient — sauf erreur de ma part — jamais vendre dans nos pays. Oui, oui, les propriétaires de Moët et Chandon. Ça coûte beaucoup moins cher que du champagne. Sur l’étiquette,; en petit, on lit qu’il s’agit d’un assemblage de trucs venant d’Argentine, du Brésil, de Californie, d’Australie, de Chine et d’Inde. Super cohérent, quoi. Et en plus ça a été conçu pour « être bu avec des glaçons » !

Merci Bernard Arnault, moi je dis.

• Dis, amigo, tant qu'on est sur les clichés : alors, ces nazis ?

• Ah mais oui, évidemment, on est infestés de nazis. Regarde ce vieux, là, derrière toi : c'est un nazi en civil, évidemment, ça se voit tout de suite !

Et moi, comme un con, je me retourne, évidemment.

Dans un train de banlieue : un type qui fait chanter les gens et se fait applaudir. Ça change des gars qui massacrent Edith Piaf au violon désaccordé dans nos métros.

J’ai passé le nouvel an chez des amis et j’ai été convié au traditionnel asado familial. Bon, on a boulotté 100 kilos de saucisses, de viande rouge, etc. Et voilà Martin qui sort ceci pour le balancer dans le barbecue.

Ceci n’est PAS le nouveau torchon pour laver la vaisselle !

Le matambrito de cerdo (littéralement “petit coupe-faim de porc”) est une sorte de flanchet dont la découpe est spécifique à la région. Il s'agit d'un muscle fin de couleur rose, situé sur les flancs d’un porc ou d’une vache, également appelé "secoueur de mouches" ou "oreille d'éléphant" dans les abattoirs. Il est également connu sous le nom de muscle "twitch", car l'animal le fait tressaillir ou trembler pour repousser les insectes volants comme les mouches. C’est vraiment une délicatesse ici. Burp.

Le lendemain et le surlendemain…

Le quartier de La Boca arbore partout les couleurs du club local, le très populaire Boca Juniors. Mais d’ou viennent ces belles couleurs ? Il y a bien longtemps, un des responsables du quartier travaillait au Port et décida que les couleurs du club “seraient celles du premier bateau qui s’amarrera demain matin ». Eh bien, le bateau venait… de Suède !

Les Argentins ont gardé les couleurs de la Suède mais pas le climat.

Foot encore : Martin m'explique que, contrairement à chez nous, les soirs de match, les entrées sont réservées aux fans du club qui reçoit. La raison est très simple : si on met les supporters de deux équipes dans une même tribune, IL Y A DES MORTS À CHAQUE MATCH. No joke. Cela étant, cela ne les empêche pas de se mettre sur la gueule en dehors du stade. Certains groupes de supporters sont ainsi clairement mafieux, avec un joyeux mélange de trafic de drogue, de revente de places, etc. Bref, ce n'est pas précisément “Oui-Oui et la gomme magique”, disons.

Evita Peron, qui n’avait pas vraiment le compas dans l’œil, avait imaginé un projet gigantesque de monument en l’honneur des descamisados, littéralement les « sans-chemise », les laissés-pour-compte de la société argentine). Je vous laisse comparer avec la taille de la Statue de la Liberté et du Christ Redempteur.

Comme il fait 100 degrés (ressentis), je vais à la piscine municipale. Et comme c’est ma première visite, on m’explique que je dois me plier à un contrôle sanitaire. En maillot de bain. Bon, ok, pas le choix de toute manière. Je m’attends à me faire introduire des canules dans tous les orifices. Au lieu de ça, un employé municipal m’observe vaguement et me donne le laissez-passer dûment cacheté. Interloqué, je m’étonne auprès de lui qu’il n’ait même pas pris ma température pour voir si j’avais le covid. Ah mais non : “on regarde juste si vous avez des blessures ouvertes, des croûtes purulentes ou alors des champignons entre les orteils”. Ok, merci docteur.

La piscine est située juste à côté de mon endroit préféré à Bueno Aires : Tierra Santa. Un parc thématique unique au monde et consacré à la vie de Jésus et aux évangiles. En étant très très généreux, ce serait comme si Walt Disney s’était associé avec un de ces pasteurs évangélistes qu’on voit à la télé ici. Mais ce serait vraiment faire insulte aux deux. Tout est moche, fake, kitschissime et cheap. Le parc recrée une trentaine de scènes de la bible. Comme si on y était. Avec des dromadaires qui n'ont pas la bonne taille, des maisons qui sentent le carton-pâte à 4 km, des animatronics qui bougent comme en 1962 (ouah, il a cligné des yeux, t'as vu ?), des jeunes filles avec des ailes, le golgotha, les trois croix, les Romains bourrés qui se marrent... c'est sidérant, regardez.

Le personnel est habillé en soldats romains ou en vierges maries (mais avec des talkie walkie quand même). Et le pompon, c’est la résurrection toutes les demi-heures. Un énorme Jésus sort d’une montagne en plastique sur fond d’Alleluia de Haendel. Plus surréaliste encore : comme le parc est situé juste le long des pistes de l’aéroport régional, vous pouvez être certain qu’à chaque montée au ciel correspond un avion qui, lui, redescend sur terre. Quel endroit délirant : je suis incapable de dire si j'ai adoré ou détesté tellement c'est dingue. Et, bien entendu, c’est 100% premier degré.