DES NOUVELLES DE BUENOS AIRES #3
Il y a un vin local (malbec) qui s’appelle le GOUGUENHEIM. Idéal pour se torcher dans les vernissages de galeries d’art contemporain.
Sur tous les bus, ici, cet autocollant : LES MALOUINES SONT ARGENTINES. Je me suis replongé dans cette histoire ancienne - la guerre date de 1982 - que je croyais enterrée. Résolue, donc. Que nenni : la Grande-Bretagne et l’Argentine se chamaillent toujours pour ces cailloux où, à part quelques pingouins célibataires, on ne trouve aujourd’hui qu’une base de l’Otan. Les Malouines sont considérées par l’ONU comme faisant partie des « territoires non-autonomes ». Qui a raison ? En tout cas c’est toujours l’autre qui a tort. Ce qui est établi, par contre, c’est que la dictature militaire, à bout de souffle, a lancé cette invasion pour redorer son blason en tentant de titiller le sentiment nationaliste. La dégelée de l’Argentine à l’issue du conflit a d’ailleurs entraîné la fin du régime militaire. C’est déjà ça de pris… Un excellent musée remet tout cela en perspective. Evidemment, vous vous en doutez, c’est surtout le point de vue argentin qui prévaut.
Les messages anti-tabac sont pas encore arrivés jusqu’ici. Retard de traduction ? Tout le monde fume : jeunes et vieux… J’ai regardé les stats mondiales liées au cancer du poumon, persuadé que l’Argentine pèterait tous les scores. Eh bien pas du tout : Belgique 16e, France 19e… et Argentine seulement 67e rang mondial en nombre de cancers du poumon. Bon, j’avoue, je n’ai pas demandé leurs papiers à tous les fumeurs que j’ai croisés. Du coup, ils sont vraisemblablement en grande majorité belges ou français, non ?
« Vous voulez des empanadas au poulet ou alors plutôt des empanadas à la viande ? »
En lisant la grande presse, j’apprends que Lionel Messi vit dans un barrio cerrado (gated community en français) dans la banlieue de Rosario qui s’appelle Kentucky de Funès. J’ai oublié si le quartier où vit Kylian Mbappé s’appelle Hippopotamus Bourvil ou Alabama Fernandel.
J’ai goûté le dessert le plus enclumesque de tout mon séjour : du fromage avec du dulce de cayote, une espèce de potiron local confit et ultra-sucré. C’est pas mal, mais pas indispensable non plus. Et impossible d’arriver au bout. Quand le serveur me demande comment j’ai trouvé, je cherche vite la traduction espagnole de « un peu écœurant ». Et lorsque je me rends compte que c’est « un poquito repugnante », je lui dis... que j’ai adoré en fait !
Il y a quelques années, j’ai découvert ici l’existence de Patozuru, un héros de BD local très très populaire ici. Ok. On s’en fout, je sais, attendez la suite. Créé en 1928, c’est un fermier indien de Patagonie de la nation Tehuelche, très riche, doté d’un appétit féroce et d’une force surhumaine. Cet autochtone résiste bien entendu à l’envahisseur. Aaaaah, maintenant j’ai titillé votre curiosité, pas vrai hm ?
À trois reprises, un local m’a demandé « si je connaissais René Goscinny ». Avec un gros clin d’œil... L’explication : si Astérix est (un peu) connu ici, tout le monde par contre a l’air de savoir que Goscinny, qui a vécu à Buenos Aires jusqu’à ses 19 ans, se serait fortement inspiré de Patozuru pour créer ses deux Gaulois.
On termine : Pourquoi Obélix porte-t-il un pantalon aux rayures bleues et blanches ? Visiblement parce que Goscinny, lorsqu’il vivait ici, était fan du Racing Club d'Avellaneda, club de Buenos Aires jouant avec un maillot arborant les mêmes rayures verticales bleues et blanches (accessoirement, le drapeau national).
Jan m'écrit : "mon père a séduit ma mère comme ça, en lui disant qu'il revenait de 18 mois à Buenos Aires et en prenant l'accent espagnol". Jan, je n’ai pas de petite amie. Est-ce que ça marche aussi avec les chats ? Ah mais je n’ai pas de chat non plus…
L’histoire contemporaine de Buenos Aires est ultra mouvementée et chaotique. Avec une pelletée de changements de régime et de présidents, chacun régnant moins que le précédent. Le record : cinq présidents en dix jours durant la crise de 2001.
Difficile de trouver ici à un yaourt nature sans sucre. Même quand il est indiqué « sabor natural », ils mentionnent en tout petit « avec quand même du sucre de canne mais pas trop ».
Il y a deux ans, j’ai rencontré Olivier Anquier à Sao Paulo. Olivier est Français et a passé toute sa vie d’adulte en Amérique latine. Il est restaurateur, entrepreneur et c’est une personnalité médiatique au Brésil. Bref, Olivier est une star. Il m’a rejoint ici à Buenos Aires pour faire un peu du tourisme ensemble. « Incognito, pensais-je… Ici, il aura la paix.” Que nenni : avec le nombre de Brésiliens en goguette, on s’est fait arrêter toutes les 5 minutes pour un selfie. Imaginez si vous alliez faire des courses avec Michel Drucker. Tout le monde le connaît, tout le monde l’aime. Eh bien, j’ai vécu la même chose…
Ce qui m’amène à raconter ma meilleure histoire de selfie, survenue lors de mon premier séjour ici il y a six ans. Avant de partir, je regarde ce qu’il y aura comme gros concert à Buenos Aires. A part André Rieu (le Richard Clayderman hollandais du violon) qui remplit un stade six soirs d’affilée, rien à signaler. Sauf que voilà : qui se trouvait dans le même avion KLM que moi ? ANDRÉ RIEU. Une star mondiale.
Dans la file de l’immigration, tout le monde voulait faire un selfie avec lui, même des gens qui, visiblement, n’avaient pas la moindre idée de qui il était. Mais comme tout le monde le lui demandait, ça devait sans doute valoir la peine. Et donc quand je lui demande, moi aussi un selfie, il me répond « Vous non plus, vous ne savez pas qui je suis mais vous voulez une photo quand même ? » Alors non seulement je savais qui il était, mais j’ai pu lui indiquer qu’il allait remplir le Luna Park six soirs de suite.
Oh la jolie porte en ferronnerie, je vais la photographier, tiens. Aussitôt, un gentil monsieur sort d'une porte dérobée et me glisse discrètement qu'il n'est pas permis de prendre des photos. Oups, j'étais en train de photographier la porte d'entrée de la CIA locale, la direccion de intelligencia de la policia.
“Et les vegétaliens? En Argentine, ce sont toujours des Italiens végétariens ?” Patricia B.
Au resto, on nous propose un steak « tellement tendre qu’on peut le couper avec une cuillère ». Spontanément, en vieux routier de la barbaque locale, je dis à mon convive : « Baaaaah, c’est bidon. D’abord, la cuillère est affûtée. Et ensuite, ce sont des viandes attendries et piquées, dont toute la saveur a disparu. » Le chef m’a entendu et il est venu m’engueuler en me montrant ses cuillères. Non affûtées.
Une dernière info bidoche et puis j’arrête c’est promis : ici on sert des steaks de facile 750 grammes. Et si vous demandez une “demi-portion de 300 grammes, ça suffira », on vous regarde comme si vous en étiez une, de demi-portion. Avec la tête penchée comme si vous étiez en phase terminale.
Nice merci ; mais j’espère que tu bien digéré cette histoire de selfies avec Olivier où tu étais simple accessoire …