DES NOUVELLES DE BUENOS AIRES #4 ET FIN
Suite à une étrange mutation linguistique, on recouvre ici la pizza avec de la muzzarella. Du fromage de musaraigne ?
Un peu de prononciation amusante pour entamer cette dernière livraison.
En Espagne, LA CALLE (la rue) se prononce LA CAYÉ. YO (je) se prononce YO.
Un peu partout en Amérique latine, LA CALLE (la rue) se prononce LA CAJÉ. YO (je) se prononce JO.
A Buenos Aires, LA CALLE (la rue) se prononce LA CACHÉ. YO (je) se prononce CHO.
Oui, mais voilà : si YO se prononce CHO, comment se prononce SHO alors (comme dans SHOPPING ou SHOW ? Eh bien JO, bien entendu : JOPPING et JOW ! #CohérenceMonAmour
Quand il pleut tellement que tu as mangé tout ce qui était mangeable et qu’un aller-retour au magasin est tellement inenvisageable que, toute honte bue, tu entames le dernier paquet de chocolat belge que tu avais amené pour des amis ici. De toute façon c’est ça ou manger un coussin...
De loin, mais de TRÈS LOIN, mon meilleur resto à Buenos Aires : un resto vegan.
Oui, je sais, c’est pas ce que vous attendiez. Moi non plus.
De nos jours, tous les habitants de la planète utilisent les vocaux de Whatsapp. Alors que moi, comme un crétin, je continue à écrire mes messages, orthographe et ponctuation comprises. Ce qui, en espagnol, me prend trois heures et douze consultations de dico, conjugaisons, etc. Pour recevoir, en retour, un truc audio de 7 secondes qui dit très exactement ceci " Holà Thierrrrry, dfxfghsknfhvbe bsbjgheygidp' anahdjf' rnebzhfigoh pnltkrjehzbzns, todo bien ?" Et débrouille-toi avec ça. Et donc, trois heures plus tard, je renvoie un texte (écrit, bien entendu) dans lequel je leur demande s'ils veulent bien soit taper soit parler plus lentement. Et ils me renvoient un fichier audio qui dit "Oh perdon : te habia dicho que dhzyet djxbxgdgzyajqq nd'flvkgntnf idnsbqy difnfnr, ok nos vemos, chao !"
Amusant, ces jours fériés exotiques. Le 2e lundi d’octobre, tout est fermé, on fête El Dia de la Raza, l’anniversaire de la découverte du nouveau monde par Christophe Colomb en 1492. C’est le Columbus Day américain en fait. Alors quand je dis "on fête", c’est plus compliqué : dans certains pays sud-américains, ce Dia de la Raza (de la race) est plutôt une célébration anticolonialiste. En Argentine, on est plus diplomate : on commémore le fait que, suite au mélange des Européens et des locaux, ça a occasionné « la naissance d’une nouvelle identité ».
Tout fièrement, je commande une bière blonde locale, la Quilmès. Et le serveur de me répondre, tout aussi fièrement, que cette bière est... belge (et appartient en fait à AB Inbev, comme quasi la moitié des bières de la planète. L’exotisme est décidément de plus en plus relatif.
Je ne suis pas un éternueur discret. Quand j’explose, les sismographes l’enregistrent. Chaque fois que j’atchoume, un gars me répond « Salud ! » quelque part dans une cour adjacente ! Et si j’éternue dix fois, le gars ne se décourage pas et répète « Salud ! » …
Il est minuit et J. m’envoie un message. Elle part avec ses copines pour profiter de la piscine familiale en banlieue.
Moi : Mais, euh… il est minuit et vous allez faire du bruit.
Elle : Oui, et alors ? Il fait chaud, non ?
Moi : (speechless comme d’habitude)…
En rentrant dans un resto, j’ai l’impression de reconnaître quelqu’un. Mais je ne m’arrête pas et on va s’asseoir. Plus tard dans la soirée, le gars en question se lève et c’est … Florent Pagny ! Qui, de fait, vit en Argentine. Je n’ai pas osé aller lui demander un selfie pour prouver mon histoire, car je ne sais rien de sa production discographique. Florent Pagny et André Rieu, même combat ! (voir mon envoi précédent). Ou alors il RESSEMBLAIT à Florent Pagny ? J’ai tenté d’aller checker son Instagram pour voir s’il avait photographié son plat comme tout bon crétin digital (moi y compris). Mais non. Et donc le mystère reste entier… Si vous avez accès à Florent Pagny, demandez-lui donc s’il était au restaurant Sacro à Palermo le mardi 14 janvier. Il vous répondra peut-être qu’il a cru me reconnaître mais qu’il n’a pas osé venir me déranger. Car il ne sait rien de ma production discographique.
Avec Olivier, nous nous sommes invités dans la cuisine de Sacha pour apprendre à préparer ma sauce préférée du monde de l’univers : le chimichurri. Voici la recette de base, si vous avez vraiment du temps à perdre :
1 cuillère de poudra d’ail
2 cuillères de persil plat haché
3 cuillères d’origan
3 cuillères d’Aji Molido (piment moulu)
Recouvrir le tout d’huile d’olive et terminer avec du vinaigre de vin (entre 10% et 30% du mélange)
Conversation surréaliste dans le bus avec une Américaine du Michigan.
— Argh, Bruxelles ! J’ai un ami qui s’est enfui tellement ça s’est mal passé.
— Euh... huh ?
— Il est venu pour le travail. Il comptait s’y installer, y faire grandir ses enfants. Mais ça s’est super mal passé. Les habitants étaient toujours dans la confrontation.
— Euh, la confrontation ? Vous êtes sûre ? Parce que c’est justement plutôt le contr
— Et il y avait des gens dans les rues qui l’empêchaient tout le temps de passer !
— Ah oui, une grève d’un syndicat, sans doute. Vous connaissez la CGSP ?
— Et donc finalement, après autant de mauvaises expériences, ils ont demandé à être rapatriés.
— Mais c’est dingue ça, j’ai l’impression que vous me parlez de l’Afghanistan ou quoi. Parce que nous, voyez-vous, on a une expression : le compromis à la b…
— Non,non : Bruxelles !
— ...
Les crèmes glacées, comme tout le reste, sont servies en quantité astronomique. Au poids. La plupart des gens commandent 1 kg ou 1/2 kg, qu’ils consomment sur place. Ça donne une espèce de michepopote de 5 ou 6 goûts différents qui se mélangent. Chaque glacier propose notamment une dizaine de variétés de dulce de leche, la bombe calorique locale à côté de laquelle la pâte de spéculoos (Biscoff pour les jeunes) a l’air d’une punition hypocalorique pour jeûneurs vegan. C’est bien simple : c’est tellement sucré et écœurant qu’il suffit d’entrer chez le glacier pour sentir qu’on a grossi.
Dernier jour. Dernières heures. Je traîne vraiment les pieds pour quitter Buenos Aires. Je gratte tous les instants possibles pour les passer dans la rue. Juste pour m’enivrer une fois encore de cette « onda » si excitante, particulière et lumineuse. Vite, encore une photo de façade. Vite, essayer d’encore comprendre un tag, ce qui est généralement peine perdue. Goûter un dernier truc. Encore profiter un tout petit peu du soleil et me plaindre parce qu’il fait trop chaud.
Je quitte Buenos Aires pour la deuxième fois. Plein d’émotions. J’avais peur, en revenant dans cet endroit passionnant, d’être déçu, de rechercher les mêmes sensations qu’il y a six ans. Ce nouveau séjour n’a fait qu’augmenter ma déchirante passion pour cette ville. Déchirant car oui, c’est loin quand même…
Merci de votre bienveillance, de vos retours, compliments et remarques, vous étiez toutes et tous avec moi durant ce fantastique séjour. J'espère qu'un jour, au moins l'un.e d'entre vous aura envie de venir ici suite à mes petits récits.
C’est ce qui pourrait m’arriver de mieux.