DES NOUVELLES DE HANOÏ #1
Me voici au Vietnam pour un mois (Hanoï et Ho Chi Minh City/Saigon). En plein dans les célébrations des 50 ans de la fin de la guerre. Au programme : phô et usage de phô !

Bienvenue à Hanoï. 6,6 millions de scooters dans les rues… et un seul vieux Belge non-motorisé pour les affronter. Comme les feux servent généralement davantage à faire joli qu’à être utiles, il y a des endroits où c’est tout bonnement impossible de traverser, puisque le trafic est constant. J’ai passé un bon quart d’heure pétrifié, au milieu d’un grand boulevard, sans oser traverser ni même rebrousser chemin. En désespoir de cause, j’ai abordé une écolière (une grande de 8 ou 10 ans) en lui demandant si je pouvais traverser avec elle. 10 secondes plus tard, j’étais sur le trottoir d’en face.
Yvain, mon fixeur me rassure : « Tu finiras par t’y faire. Les motos et les voitures, c’est pas un souci, ils freinent et t’évitent. Ce qui m’angoisse, ce sont plutôt les bus et les camions, dont les freins sont généralement en option, et qui eux ne freinent PAS pour les piétons ! »
A peine arrivé et fort de mes 78 jours de vietnamien sur Duolingo, je prononce laborieusement mes 2 ou 3 premières phrases. Kim, mon logeur, apprécie mes efforts à sa juste valeur : « Je vous arrête tout de suite, on ne comprend rien à ce que vous racontez. »
Jean-Pierre, mon documentaliste, m’avait prévenu : « Bonne chance avec les 6 modulations tonales, sans compter les variations géographiques. Un truc à te faire arracher les dents de sagesse alors que tu restes persuadé d’avoir commandé une soupe Phô ! »
Pour terminer ce chapitre linguistique, Brice m’a prêté un petit appareil assez pratique où il suffit de pousser sur un bouton pour pouvoir converser. Avant de partir, il me fait une démo : il me dit quelque chose et français et ça ressort en vietnamien. « A ton tour, me dit-il, de me parler vietnamien. » Et je dis un truc comme « Bonjour, je voudrais des nouilles avec du lait, merci ! » Et voici la traduction française de ce que je viens de dire en vietnamien…
Les gardiens de scooters ont plusieurs centaines d’engins à gérer et à surveiller. Pour s’y retrouver, ils inscrivent un numéro à la craie sur chaque selle.
Dans certains pays, quand le commerçant n’a pas de langue en commun avec le touriste, il inscrit le montant sur une calculette. Ici il va dans sa poche et te montre le billet correspondant à ce que tu dois payer. « Sauf sur les marchés, précise Yvain, car on paie au poids et donc là il faut calculer. Je m’amuse toujours à essayer de calculer plus vite que leur machine ! »
Ici, les trottoirs servent à tout sauf à trotter. On y trouve, pêle-mêle, des centaines de scooters, des terrasses de cafés ou de restaurants, des moteurs de scooters démontés, des scooters remontés, des trous, des poubelles, des marchandises qui rentrent ou sortent des magasins et, sporadiquement, des scooters (je ne sais pas si je l’avais déjà signalé). Et donc, j’en suis réduit à marcher sur la route. Qui est la chasse gardée… des scooters !
En terrasse (sur les trottoirs, donc), on s’assied sur des chaises d’enfant. Je ne sais pas si c’est une réminiscence du fameux squat asiatique (ils s’asseyent volontiers sur leurs talons), si ces mini-sièges prennent moins de place ou s’ils sont moins chers que des grands. Sans compter qu’on peut en mettre davantage, selon la formule mathématique bien connue du Coefficient Hédonisto-Siégeologique de Productivité Culinomonétaire (ratio sièges/assiettes servies).
Dans quelques jours, le pays tout entier fête les 50 ans de la fin de la guerre. Qui, vous allez être surpris, ne s’appelle pas ici « guerre du Vietnam » mais « la guerre américaine ». Toute la ville est pavoisée aux couleurs du drapeau national. Les magasins de souvenirs sont remplis de gadgets rouges et jaunes, d’innombrables mamys se baladent avec une robe super design créée pour l’événement. Bref, le pays est en fête et j’en reparlerai la prochaine fois puisque je vais descendre à Ho Chi Min Ville pour assister aux principales célébrations.
Je commence par le Cirque Central ici à Hanoi qui propose un programme dédié à l’anniversaire. Et j’assiste à un réjouissant spectacle de cirque entièrement repimpé en fonction de la thématique : jonglage avec des volants de camion militaire ; acrobates au look camouflage ; bruits de bombes et fumigènes ; le militaire qui dit adieu à sa belle, part vite faire un peu de trapèze et revient sauver sa fiancée des griffes de la jungle — enfin si j’ai bien compris ; des dompteurs de chèvres et de cochons avec des armes en bandoulière ; l’uniforme du combattant mort au front qu’on ramène à la veuve — séquence émotion… Le tout assaisonné d’hymnes à la gloire de l’Oncle Ho. C’est spectaculaire, très bien fait, et chargé d’une ferveur patriotique assez impressionnante.
Dans la rue, dans les parcs, les gens d’ici sont très accueillants et souriants. Pas timides pour un sou, ils m’adressent volontiers la parole et veulent papoter. Même des petits gamins veulent exercer leur anglais. J’avoue que c’est très en décalage par rapport à ma dernière expérience asiatique : au Japon, les gens évitaient plutôt le contact.
Durant cette première semaine, j’ai passé plus de temps dans les couloirs d’un hôpital de médecine traditionnelle que dans des temples ou des musées. Je découvre en effet les joies d’une hernie discale. Mes L4, L5 et S1 dansent la carmagnole, ça fait super mal et je passe des heures dans une machine d’écartèlement qui essaie de me faire grandir de 3 cm chaque jour. Je vais revenir, je mesurerai 2m42. Ou alors, pas mieux, avec des aiguilles dans le derrière.
C’est dans ce cadre que je me fais manipuler par un masseur qui porte bien son nom puisqu’il est totalement à la masse. Après plusieurs minutes de silence, il m’interpelle sur des sujets divers et variés…
— Que pensez-vous du Boeing 737-800 ? Moi il me terrifie…
— Franchement, donnez-moi une seule raison de préférer Apple à Samsung…
— Et sinon vous pensez quoi de la nouvelle saison de Squid Game ?
— Did you just say « Oh yes » ?
« Mais donc, l’accès internet au Vietnam, c’est comment ? » me demande-t-on. Apparemment, les seuls trucs qui sont bloqués, ce sont les sites porno. En tout cas c’est ce qu’on m’a dit. Je n’ai pas été vérifier (puisqu’ils sont bloqués). De toute manière, vous me connaissiez, moi je ne regarde que des vidéos de chats.
Je suis déjà allé manger deux fois avec Pierre, un autre francophone installé ici. Le premier soir, on est allé manger… d’excellents tapas. Quelques jours plus tard, je lorgne sur un resto qui sert du canard au tamarin et je lui en fais part. Sa réponse : « Euuuuh, on n’irait pas plutôt manger italien ou argentin ? » Dont acte. En fait, je l’ai percé à jour : il est très content d’avoir de la visite, ça lui permet de varier ses plaisirs alimentaires. Et je peux le comprendre : après quelques mois d’immersion dans un pays, il n’est pas rare que je fasse des kilomètres pour m’enfiler une pizza ou un bon steak. Alors, à plus forte raison quand tu vis en Asie depuis des décennies…
Dès que les gens savent d’où je viens, on m’interpelle sur Lukaku, Kevin De Bruyne, Courtois et autres Hazard. Toujours avec toujours une prononciation très créative des patronymes. Et même si je suis totalement incapable de tenir une conversation de 15 secondes sur le foot, j’ai capté qu’il y a eu UN joueur vietnamien qui a évolué en Belgique. J’ai demandé confirmation à mon ancien collègue, l’excellent Frédéric Larsimont du Soir. Qui m’a confirmé que Nguyen Cong Phuong avait fait un passage par Saint-Trond. Me voilà armé pour ma prochaine conversation sur le sujet. Reste juste à parvenir… à prononcer Saint-Trond avec l’accent local.
Je dis à ma voisine, en anglais, que j’ai une hernie discale. Elle éclate de rire.
Je l’écris donc en vietnamien sur mon téléphone. Et elle rit deux fois plus fort.
Quand je suis venu à Hanoï il y a trente ans avec Tanguy, j’avais essayé de manger du chien, puisque c’est censé être une délicatesse locale. Je n’en avais jamais trouvé. Bon, maintenant qu’on a inventé internet c’est plus facile à trouver. Et donc, j’avais imaginé on d’inviter tout le bureau de Yvain pour aller ensemble manger du clébard (il y a, semble-t-il, sept recettes traditionnelles). Flop total : ils m’ont fait comprendre que ce genre de pratique n’était plus vraiment de mise et, surtout, qu’il y avait des trucs normaux et délicieux à manger, comme des pizzas ou des hamburgers. Bon...

Dans le film Un américain bien tranquille (Joseph Mankiewicz), la jeune héroïne vietnamienne est incarnée par une actrice italienne. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure et c’est pas crédible du tout mais à l’époque ça ne posait visiblement de problème à personne. Mais il y a mieux : la sœur de l’héroïne, donc aussi un personnage vietnamien, est jouée par une actrice française qui parle super mal anglais. Tout cela est d’une cohérence folle.
En effet Nguyen Cong Phuong à joué à Sang-Trong mais il faisait souvent bang-ket.
Geneviève F
Toujours aussi drôle. Et je dirais même plus : très drôle, ce regard (faussement) naïf. On devrait être comme ça même quand on est dans son propre pays 🥹😍