DES NOUVELLES DE LA HAVANE #1 florilegio
Warning : je ne suis PAS à Cuba mais j'y ai passé deux mois il y a quelques années. A l'époque, seuls ma mère et son chat avaient lu mes péripéties. Voici le feuilleton de mon équipée castriste.
Dans l’avion vers Varadero, j’ai vu une jeune fille qui était DÉJÀ en maillot de bain. Histoire, sans doute, de ne pas perdre de temps. J’ai ricané jusqu’à ce que j’arrive à l’hôtel CINQ HEURES avant que ma chambre ne soit prête. J’ai moins ri avec tout mon barda au bord de la piscine, mon gros pull et mes grosses chaussures (et bien entendu le maillot introuvable dans la grosse valise).
J’apprends à négocier (estoy aprendiendo a negociar) #1 : je viens de marcher des heures, mon dos me fait souffrir et donc il faut que je prenne un taxi pour rentrer. Un cocotaxi, pour être précis, une sorte de grosse couille en plastique avec des roues et un type — même pas dégoûté, le type — dans la couille. Depuis quelques minutes, je me dis qu’il va me demander 10 et je vais répondre « haha, tu rêves ? 5 maximum, fieu ». Et en fait il me dit... 5 ! Et moi, je dis « euh... oui, parfait ! » Champion du monde de la négo !
Mon meilleur achat so far : une tapette à mouche à 0.99 $. Parfaite pour génocider les moustiques castristes porteurs de la dengue.
Très chics, les Allemands en tong, qui ne sont plus qu’un énorme coup de soleil, avec leur Thermos qu’ils font remplir de pils au bar dès 9h du matin. Quelle santé.
Des cornichons, cuits comme des courgettes : créatif, disons. De manière générale, le buffet du all-in est tellement peu appétissant que manger en devient un acte purement technique. Un peu comme se brosser les dents.
Je suis assez scié du nombre de petits restos vides. Ou avec un client dedans. Et, paradoxalement, un personnel pléthorique. Je suis à la Vaca Rosada, un paladar bien noté dans mes deux guides. Et, sur les quelque 30 places disponibles, nous sommes trois à manger... dont deux personnes du staff ! Il semble d’ailleurs que bon nombre de ces restaurants ferment après peu de temps, car ils n’arrivent pas à payer la taxe gouvernementale. Mais relativisons : 1/ c’est encore la basse saison... 2/ le temps d’écrire ceci et on est cinq toutous à déguster cette excellente cuisine.
Mon Kindle ne me dit pas que je suis à telle page du livre, mais que le « temps restent dans le livre = 3h43 min. » Je lui indique comment que je relis chaque phrase deux fois ?
— Bonjour, je cherche une brosse à ongles.
— Ah désolé. Je n’ai pas. Vous ne préférez pas une brosse à dents ? Ça marche aussi pour les ongles.
— Euh, je vais continuer à chercher, merci.
Mise en abyme. Dans le roman cubain un peu chiant, je lis : « il s’affalait sur le lit, ouvrait le roman asthmatique d’un auteur cubain, lisait une page sans rien piger et, le cerveau assommé par l’effort, s’endormait. » Leonardo Padura parle donc de moi, son lecteur belge désœuvré, dans Hérétiques.
Je sais que c’est cliché, mais cette combinaison de déglingue généralisée et de splendides ancêtres américaines me donnent vraiment l’impression d’avoir fait un voyage temporel dans les années 50. Sauf qu’à l’époque, rien n’était déglingué...
Je piaffe de pouvoir utiliser mon expression favorite dans « L’espagnol de Cuba » (éd. Assimil) : me importa un pepino (je m’en soucie comme d’un concombre). Mais voilà, personne ne me demande mon avis sur rien...
Je viens de voir une maison qui porte le numéro 14713 sur la 254e rue. Pfff, minable : je viens de passer devant le 26419 ! Mieux : 30233 !
Pour nous, c’est devenu inconcevable de ne pas avoir de l’internet, partout et tout le temps. Ici, deux solutions : soit essayer de choper la 3G mais il n’y en a pas beaucoup. Ou alors trouver le square dans chaque ville où est installé le wifi municipal, payant (on achète des cartes à 1,50 €/une heure). Et ma logeuse, qui gère ses réservations avec des touristes du monde entier, comment elle fait ? « Comme tout le monde ici, mi pequeño amigo : je prends mon ordi, je vais au square et je réponds à tous mes clients une fois par jour ».
J’ai perfectionné le sketch du Capitaine Haddock (dormir avec la barbe en-dessous ou au-dessus du drap). La base de l’embrouille c’était AVEC L’AIRCO (mais ça ultracaille, même tout habillé) ou SANS L’AIRCO (mais il fait überdouf, même tout nu). Rajoutez quelques variantes, genre :
je change de lit pour voir là où ça caille le moins
avec ou sans drap
avec ou sans le ventilateur
avec l’indicateur de température de l’airco qui éclaire la chambre comme en plein jour
avec l’airco mais aussi un courant d’air oui mais alors y a les moustiques qui rentrent et j’attrape la dengue.
Assaisonnez le tout d’une bonne tourista et d’un mal de dos chronique... et c’est à ce moment que j’ai souhaité retourner habiter dans le ventre de ma mère, bien roulé en boule.
Il m’a fallu dix jours pour me rendre compte que sur TOUS les airco il y a une fonction SLEEP !
Les petits métiers cubains # 1 : le téléchargeur / el cargue. Comme personne ou quasi n’a accès à internet, il y a des gars dont le job est de pirater les hits du moment et de les revendre sur des clés USB. On paie selon la contenance de la clé. 8 Go = 5 cuc/euros. 16 Go = 8 cuc/euros. Bon, j’ai pas eu de bol, la clé USB de mon chofer de taxi (en espagnol, donc) contenait des merdouilles fm des années 80 du genre Toto et Europe, beuargh.
Les petits métiers cubains # 2 : el luchador / le lutteur. La lucha, c’est tout ce qui relève des petites magouilles et entourloupes pour s’en sortir. Et donc, quand un Cubain rencontre un autre Cubain, une des premières phrases c’est apparemment « ¿ como esta la lucha ? »
C’est quand même la première fois de ma vie qu’un hôtel me dit « Alleeeeeez, torchez-vous la gueule gratos. » La bouteille de rhum est en effet incluse dans le prix de la chambre. Résultat ? Bin devine.
Pour la première fois de ma vie, je pense en espagnol ... et donc en faisant des fautes ! Un peut comme si je penseré comme ças en fusant de les fautte de fronsé.
Première expérience de bus. D’abord ceux qui ont déjà un billet (pas mon cas). Vous, le grand, là, asseyez-vous sur la valise. Le compteur du bus (chinois, marque Yutong, dont le logo ressemble à celui du groupe Magma) affiche 897.294 km. Mais on fait par contre du zéro à l’heure (ah non, c’est juste l’indicateur de vitesse qui est mort). Je me demande juste comment le conducteur contrôle sa vitesse. Bin devine : il ne la contrôle pas.
Comme tout le monde fait du stop et que personne ne s’arrête, les stoppeurs mettent toutes les chances de leur côté en agitant un billet de banque, pour bien montrer qu’ils acceptent de payer leur trajet. Mais visiblement ça ne marche pas fort... ah là il y en a carrément un qui s’est mis au milieu de l’autopista. De toute manière si c’est pas un autostoppeur qui se trouve au beau milieu du jeu de quilles, c’est un cheval, un gros trou, un bout de rivière qui a débordé ou une famille de canards... ou alors une moto qui fait du deux à l’heure sur la bande de gauche : c’est rien, on va la dépasser par la droite, no te preocupes !
Je viens d’apprendre le concept de « nom de vacances / holiday name » sans me rendre compte que je le pratiquais déjà. Un Allemand m’explique que son prénom, Torsten, est trop compliqué, et que donc, où qu’il soit dans le monde, il se présente comme étant Floyd ! Et je me rends compte que je fais la même chose : dans les pays non-francophones, ça fait 25 ans que je me présente comme Terry, plus facile à épeler et à retenir que mon véritable patronyme inépelable et inexportable (non, Thierry la Fronde n’a PAS été un succès ici à la télé cubaine).
Je vous envoie la suite rapidement, merci de votre lecture et de vos commentaires. EL MUNDO SEGUN THIERRY O LA MUERTE !