DES NOUVELLES DE LA HAVANE #2 florilegio
Suite inédite de mon voyage à Cuba en 2017. Comme me l'a écrit Lysbeth, qui vit là-bas, "tout a changé depuis, mais rien n'a vraiment changé en fait"...
Viñales est une petite ville un peu nulle. Il n’y a rien à faire en ville, rien à voir. Par contre c’est plein de touristes qui viennent faire des balades à cheval dans les environs pour aller voir des gros rochers. Et qui, donc, errent par milliers, dans les trois rues du bled, en cherchant des trucs à photographier, en lançant des HOLÀ sonores à tous les locaux (qui n’en demandaient pas tant) et en ignorant superbement, comme s’ils étaient transparents, les AUTRES MILLIERS DE TOURISTES qui ont le Routard ouvert à la même page et ont le même sac Quechua. Et qui disent aussi HOLÀ ! Un poquito patetico ! Et donc, comme de bien entendu, tout le monde échoue au même endroit : sur la place du village, pour profiter du wifi municipal et checker son Facebook et poster des trucs incroyables sur son mur : « Si vous saviez, je me régale, allez biz à tous à Paname, ça caille chez vous non ? »
« ¿ Holà, podemos cenar aqui esta noche ? A las siete y media ? » « Soy de Francia. ¿ Y usted ? » Se rendre compte, en tendant l’oreille, que nous (los turistas) trimballons tous le même espagnol de cuisine avec les quinze mêmes phrases, apprises dans le même manuel, pour pouvoir se débrouiller dans la jungle cubaine.
Tous ceux qui rentrent de Cuba le disent : les portions, au repas chez les gens, sont trrrrrrrès généreuses. Voilà ce que j’ai devant moi : du pain et du beurre, des petits cakes, des petits biscuits secs, quatre sortes de fruits, du fromage, du jambon, de la confiture (4 sortes), du café et du jus. Et c’est là que la landlady te demande combien d’œufs tu veux... (régimen, mi corazon, où es-tu passé ?)
La phrase du jour, dans un petit bar de campagne, super tôt le matin :
« Désolé, le type qui fait le café dort encore ! »
Dans un taxi, me voilà promu interprète entre un chauffeur monolingue et des polonaises et une australienne non-hispanophones. Et disons que je ne peux pas traduire TOUTES les cochonneries que le gars me raconte en espagnol.
Le taxi collectivo c’est top pour se déplacer. C’est un taxi à frais partagés, où chacun est pris à domicile et amené à destination. Et on partage les frais. Zéro soucis : il suffit de dire à son hôte où on veut aller et quand et il arrange le coup avec une centrale. Rencontres et world talk assurés !
Exemple de choc des cultures : lorsque le chauffeur jette nos gobelets en plastique vides par la fenêtre, tous les bobos présents dans la voiture (à savoir tout le monde sauf ledit chauffeur) ont hurlé en même temps. Une fois de plus, je le vérifie : l’écologie, c’est juste un truc pour les riches.
Il y a de la musique partout ici. Évidemment dans les endroits à toutous. Mais pas que. Mon moment préféré : une peña, version locale d’un thé dansant, emmené là par L. (ou H., ça dépend des pays*). À 17h, avec sur la scène d’une arrière-salle au milieu de rien une bande de vieux papys buenavistasocialclubiens, qui dépotent comme des réacteurs nucléaires. Et toutes les mamies sur la piste pour remuer le popotin. Oui, c’est définitif : la musique rapproche !
(* non, je n’expliquerai pas)
À Cuba, il y a des vautours partout. On se croirait dans Lucky Luke ou Blueberry. Sans doute un retraité canadien a-t-il rendu l’âme à l’ombre d’un palmier à la piscine, et les vautours attendent que le secouriste regarde ailleurs...
Ici, les fabriques de tabac sont certifiées ISO 9001 (c’est le cas de Partagas). D’autant qu’on fume dans les bureaux. Chaque ouvrier fait entre 100 et 150 cigares/jour et est payé en fonction de sa productivité. Oui, je sais, ça fait très coco comme principe. Et comme ils reçoivent tous 5 cigares par jour, dont ils font ce qu’ils veulent, Ils essaient donc de te les revendre en douce dans l’atelier, pendant la visite guidée. Pssst, smoke smoke ?
Un ouvre-porte visiblement très populaire à Cuba dans les grands immeubles : une corde qui part de la porte d’entrée et qui court à tous les étages, permettant à l’occupant de vous ouvrir sans devoir descendre, puisque le système électrique a généralement rendu l’âme vers 1973.
Il faut parfois un peu chercher pour sortir de la cuisine cubaine traditionnelle qui est un peu répétitive. Mais quand on trouve, c’est bingo : des trucs super créatifs et surprenants (le caquelon de fromage dans lequel nagent des petits piments fourrés au poisson) ou carrément addictifs (la glace/nougat aux cacahuètes).
Les almendron, ces vieilles américaines qui font le charme de l’île, n’ont parfois plus d’américaine que la carrosserie d’époque, souvent dans un état de décomposition assez avancé. En fonction de la provenance des pièces de rechange, on trouve ainsi, appellations havanaises garanties, des Chevroyota ou des Chevrolada !
Partout dans le pays, on te demande de ne pas jeter le papier de toilette dans la cuvette mais dans une corbeille à côté.
— Mais euuuuh, même siiiii euuuuh ???
— Oui. Même si euh.
En plus, le PQ est tellement fin qu’il se biodégrade déjà dans la main.
Dans un café de la vieille ville, un groupe qui joue (il y a un groupe dans tous les cafés). Cet air latino m’est familier mais c’est quoi ? Bon sang : le générique de Game of Thrones rumbatifié !
La phrase du jour : Edgar Iglesias, le chauffeur du cocotaxi, en passant devant une galerie commerçante ultra-chic (mais vraiment chic, hein). « Nous appelons cet endroit EL MUSEO : on peut regarder mais pas toucher ni acheter - on n’a pas les moyens. »
Dans le programme de la semana belga de la casa de Valonia, je lis retrospectiva de los Hermanos Dardenne. Aaargh, mais pourquoi tant de haine ? Ces gens ne nous ont rien fait, finalement.