Des nouvelles de Lisbonne #2
Revoici notre ami Thierrim Tinlão, qui commence déjà à flipper de devoir rentrer dans un mois tellement c’est beau, bon et excitant de vivre à Lisbonne !
Amusant : dans certains quartiers populaires, les égouts ont été refaits bien après que les maisons aient été construites. Du coup, c’est un peu devenu des quartiers réservés aux Schtroumpfs.
La fois dernière, j’avais fait appel à l’équipe après que mes colocataires, lors d’une soirée, aient indiqué dans un message BYOD. Sans avoir la moindre idée de ce que ça signifiait, et ne voulant pas non plus tricher en utilisant Google. Voici donc vos meilleures suggestions :
Bring you, old daddy
BYOD veut dire PAP
Bring your own dope (le partage a ses limites !)
Be Young Or Die Be Your Own Destiny
Bring Your Own Desires (mais peut-être pas pour un souper, alors)
Bring Your Own Devisseuse (comme affiché à l'entrée de l'Ikea d'Estoril)
Au resto le soir. Le garçon débarrasse et me demande un truc d’un air interrogatif (auquel, comme d’habitude, je ne comprends rien). Je suppose qu’il veut savoir si le plat était à mon goût ou bien si j’ai bien compris que le bacalhau c’est juste du cabillaud hein. Oui oui je lui réponds. Et il m’amène donc un café, que je n’ai bien entendu pas demandé et que je ne bois pas parce qu’on est le soir, sinon vous comprenez je ne vais pas dormir. Sauf que je ne sais pas vraiment comment dire ça en portugais et donc je bois le café avec l’air dépité du gars qui sait qu’il va passer une nuit blanche.
Philippe m’écrit : j’ai toujours trouvé que les trottoirs de Lisbonne ressemblaient à un assemblage de molaires.
Pas mieux.
En fait, c’est très joli la calçada portuguesa, la chaussée portugaise. C’est peut-être même ça le vrai street art, non ? Tous les trottoirs sont recouverts d’élégants pavés de calcaire avec de jolies mosaïques en basalte. Inconvénient : quand il pleut, toute la ville devient une patinoire. Je me suis vautré (et pété une côte) avant d’être arrivé au bout de la phrase suivante : « Ouille ouille, il fait glissant attention à ne p
Cette ville doit être le royaume des fractures de col du fémur et doit tuer plus de vieux que toutes les autres capitales européennes réunies.
Un tuyau : si vous vous abonnez à mon compte INSTAGRAM vous allez devenir (encore) plus intelligent !
Il leur aura fallu 18 ans de négo pour se mettre d’accord : en 2008 le Portugal et le Brésil ont signé un accord orthographique qui fait que les deux langues s’écrivent désormais de la même manière. Même si, dit un lettré portugais, « impossible pour moi d’écrire désormais Egito au lieu d’Egipto. j’aurais l’impression d’insulter les Egyptiens ». Mais tout ceci n’empêche pas les Portugais de continuer à parler comme s’ils avaient un furet mort dans la bouche et les Brésiliens comme si tout un orchestre de samba était planqué derrière leur glotte. Perso, j’ai mis six mois, avec Babbel, avant de me rendre compte que j'apprenais le MAUVAIS portugais. Pas celui d’ici, en tout cas. Les Portugais comprennent très bien le brésilien, essentiellement à cause des telenovelas. L'inverse n'est pas du tout vrai : les Brésiliens qui débarquent ici ne comprennent rien (et se demandent pourquoi les Portugais font toujours allusion à un rongeur décédé quand ils parlent).
Petit moment de grâce volatile dans le métro. Une jeune femme s’installe en face de moi. On est masqués. Elle a des yeux splendides. Je n’arrive pas à identifier d’où elle vient. Elle m’explique qu’elle s’appelle Srijana, qu’elle est Népalaise (je lui voyais difficilement des origines bretonnes avec un prénom pareil) et qu’elle travaille dans un restaurant dans mon quartier.
Ah, dis-je, plein d’espoir, dans le restaurant népalais juste en face de chez moi (en me disant que j’allais devoir étendre mon spectre gastronomique) ?
Non, dans un resto portugais.
Ah bon. Mh. ok.
Et puis elle est sortie du métro par la gauche, et moi par la droite.
Jean-François m’écrit. « Un jour à Lisbonne, j'ai voulu utiliser Google Traduction pour traduire un plat dans un menu. Résultat ? « chameau rire ». Hum. Même Google n'y arrive pas ! »
Est-ce que vous croyez que l’étalagiste de la librairie Bertrand (homologuée la plus vieille du monde, 1732 quand même) est conspirationniste ? Regardez les deux livres qu’il a fait se côtoyer.
Et sinon, tu as déjà appris à faire des pasteis de nata ?
Non, par contre j’ai développé une technique pour les manger. Un truc assez incroyable basé sur le fait de les mettre en bouche (mais je t’épargne les détails techniques, je ne voudrais pas t’embrouiller).
Giorgio, Péruvien récemment installé ici, m’explique que les Portugais ont l’air de prendre un malin plaisir à ce qu’on ne les comprenne pas. Ça les excite, en fait. Une conversation avec l’administration est un enfer pour un non-lusophone.
Ce sont donc des gens fiers. Notamment de leurs origines. Le roi Louis 1er (1838-1889) demandant à des pêcheurs s’ils étaient Portugais :
Non, Sire. Nous sommes de Póvoa de Varzim ! (près de Porto).
Je suis déjà venu ici en 1998 pour l’Expo Universelle. Contrairement au site de l’expo de Séville qui est totalement abandonné et lamentable, ici ils ont créé une ville nouvelle avec hôtels, centres de congrès et de spectacle, logements, bureaux, une marina, etc. C’est l’une des destinations préférées des gens ici. J’étais très ému d’y revenir. J’ai eu l’immense chance de visiter trois expos universelles : Séville 92, Lisbonne 98 et Hanovre 2000. Trois moments magiques.
« Le Portugal, c’est Lisbonne. Le reste, c’est juste de la campagne. »
Eça de Queirós.
Oh, c’est quoi ces jeunes gens dynamiques et souriants avec un t-shirt tout coloré qui manifestent joyeusement ici avec quelques drapeaux ? Allons googler leur nom… Chega ! est un parti politique portugais classé de la droite à l'extrême droiAAAAARGH, UNDO, UNDO, POMME Z !
Echange avec Sophie
Et sinon, ça va toujours au Portugal ?
Non, c’est l’enfer évidemment.
Quoi ? Genre les oiseaux gueulent et les fleurs puent, c’est ça ?
Jean-Michel m’a confié une mission : Peux-tu aller dans une pâtisserie et leur demander s’ils ont des « doce falico » ? Et voir si tu ressors vivant de la pâtisserie ?
Ce petit ustensile de cuisine s’appelle ici un SALAZAR, du nom du dictateur qui a dirigé le pays pendant 40 ans. Visiblement parce que cette spatule sert à ramasser le peu qui reste dans un plat et que, pendant le régime, les mots pauvre, humble, modeste, frugal et économique étaient à la mode. Salazar allant même jusqu’à dire « qu’un pays pauvre est un pays invincible ».
Carole me demande de lui ramener un Saint Antoine (saint patron de la ville) mais obligatoirement rose fuschia. « C’est dans un magasin branché près d’un Starbuck ». Merci, Carole, c’est super comme indication.
Lu dans le journal : un homme d’église de Lisbonne s’est fait plaisir en achetant 19 voitures grâce aux dons (420 000 €) de ses paroissiens. Il a été condamné à quatre ans et demi de prison (mais avec sursis, je rassure les paroissiens). Dans son garage, notamment 12 Volkswagen (une par apôtre ?).
Parler portugais c’est pas très compliqué, en fait. Pierre me le prouve en terminant un de ses messages par un « johlim weekendao » grammaticalement impeccable.
Je vous en souhaite autant.
XXX
(à condition que vous vous abonniez à mon INSTAGRAM, bien évidemment).