Des nouvelles de Lisbonne #3
Dans cet épisode, on verra que le suspense reste entier quant à savoir si j’arriverai bientôt à faire des blagues sur Vasco de Gama en portugais. Parce que bien raconté, ça peut être très drôle en fait. È a historia de un loco que repinta suo plafao y…
Je vis dans un grand immeuble avec un type à l’accueil. Qui s’emmerde à longueur de journée, à qui personne ne parle et qui donc chipote non stop sur son téléphone. Carlos. Un jour, je ne sais plus très bien comment, on en arrive à parler de Steve Reich, Philip Glass et Luigi Boccherini (même si je confirme ici que je peux tenir pendant environ quatre secondes une conversation sur Luigi Boccherini, juste le temps d’écorcher son nom). Bref, il a trouvé à qui parler. Trois jours plus tard, j’attends l’ascenseur avec mes courses et Carlos me lance, à tout trac : « Et sinon, Thierry, que penses-tu du conflit israélo-palestinien ? » Je crois que l’ascenseur n’a jamais mis autant de temps à arriver.
Chaque fois que je pose une question à quelqu’un, il me répond « Hé ! ». Genre « ça va, oui de me poser des questions ? » En fait, toutes mes questions sont du genre « L’arrêt de bus est-il bien ici ? » , ou « Dites, mon brave, ce pastel est-il bien de nata ? » Et en portugais, on reprend le verbe pour répondre. Donc « È » (Oui, c’est). Et pas « Hé ». Ok, je suis assez conscient qu’on s’en fout un peu de mon histoire et que ceci n’amusera que celles et ceux qui comprennent un minimum le portugais.
MUSÉE DU ZZZZZZZ.
Pardon.
MUSÉE DU FRRRRRRZZZZZZ.
Hm. Laissez-moi encore une chance.
MUSÉE DU FADO!
Ouf. Voilà. Mais c’est tellement ennuyeux que je m’endors généralement avant la fin du mot.
Cela dit, le chiant et le triste, c’est un créneau, hein. Regardez. Je n’invente rien.
Tout en papotant avec moi à la cuisine, une de mes colocataires commence à laver une tomate avec du savon de vaisselle. Vite, faire semblant de rien.
13 secondes d’autosatisfaction (pourtant, dieu sait que c’est pas mon genre) car Jean-François m’a fait rougir de plaisir :
Quel plaisir de te lire. J’admire, vraiment, ton style si personnel.
C’est frais, drôle, (im)pertinent, jubilatoire et intéressant.
Vivement la prochaine dose de « gai savoir ».
C’est chouette de voyager avec toi.
J’en suis donc à un stade d’apprentissage ou je mélange complètement l’espagnol (4 ans de pratique quand même) avec mon portugais de jardim infantil. C’est assez courant comme phénomène chez les apprenants. La bouse linguistique qui sort de ma bouche porte même un nom : le portugnol. Il est essentiellement pratiqué dans les régions frontalières avec le Brésil (toutes hispanophones bien entendu).
Ici, les gens applaudissent à la fin de la messe.
Pour se faire de bons amis autour d’une table : rajouter à n’importe quelle préparation une bonne rasade de piri-piri, version locale du pili-pili. Avec une note 22 sur l’échelle de Scoville qui classe le piquant de 1 à 10 (personnellement j’ai dû changer de langue).
Les soubresauts de l’immobilier : quand Madonna s’est installée dans le quartier ultra populaire de Santa Catarina, les prix des appartements et maisons ont explosé. La moindre masure se vendait pour une fortune. Et puis Madonna est partie et tout le monde a fait faillite.
Madonna et le Portugal, c'est une histoire qui a commencé en 2017, lorsque son fils voulait intégrer l'équipe des jeunes du club de Benfica. La fin du séjour lusitanien est visiblement moins glam : Madonna n’a pas apprécié le refus de tourner un clip dans un lieu historique classé au patrimoine. Le maire local avait en effet refusé jusqu’au bout que Madonna puisse rentrer à cheval dans le salon d’un des palais de Sintra. Roooh, méchant maire.
« Notre vie ressemble à un chicon froid, la tienne a une plantureuse paëlla ». (reçu de Morgan, qui a toujours été nul en géographie ou en cuisine ou les deux mais que mes 25 degrés quotidiens font visiblement rêver).
A l’entrée de Estufa Fria, mélange spectaculaire de jardin botanique et de serre urbaine, une dame parle très fort dans une langue dont je ne comprends pas un mot mais que je devine être du portugais.
- Excusez-moi mais vous devez parler plus lentement si vous voulez que je comprenne.
- Ah mais je parlais aux canards !
Lu un truc sur « le roi Felipe II d’Espagne et I du Portugal ».
Ça cumulait sec à l’époque.
Je discute avec une millenial : « En fait, j’ai une boutique en ligne depuis que j’ai 16 ans. » #TrèsTrèsTrèsVieuxParfois
J’arrive à ce moment délicieux où j’ai visité la plupart des gros trucs que j’avais envie de voir. Et où je peux donc, sans plus aucune culpabilité, me perdre dans la ville, en me donnant comme vague objectif une des 456 000 églises que je n’ai pas encore visitées (où je n’ai pas encore prié pour vous). Sachant que le fait même que j’y arrive ou pas n’a aucune importance. C’est juste un but de balade, et une ouverture à l’aventure.
En terrasse à la Casa das bifanas, un dimanche matin, avec Éric. Ils passent la messe dans la sono.
Olivier et Sandra réceptionnent mon courrier bruxellois en mon absence. Olivier m’envoie un truc lié au dépistage du cancer colorectal : « Je veux bien scanner le courrier et te l’envoyer mais pas faire le test à ta place ».
En son temps, le peu regretté Salazar avait décrété que la morue était une « priorité nationale ». Et donc, également disponible au rayon « Eeeeuh t’es sûr ? » : le Musée de la Morue.
Pensez à réserver, c’est plus prudent.
Je crois vous avoir déjà signalé que j’ai aussi un compte Instagram Mais je vous rassure : il n’y a rien de drôle ou d’intéressant, donc surtout n’allez pas vous inscrire!
(ou alors bisou)