Des nouvelles de Mexico #6
Revoici les aventures de Tinlot chez les Toltèques (© Jean-Louis Lejeune). Faites la connaissance du type qui va sauver la démocratie quelque part en Océanie, apprenez comment piquer les fesses de belle-maman et contemplez, médusés, comment les Mexicains ont décidé de gâter leurs toutous.
Christian prétend qu’à Mexico, garder un accent français en parlant espagnol ça aide pour le boulot et, limite, ça séduit plus les locaux que le gars qui s’est fait suer à pratiquer la jota a en fendre son dentier.
Une spécialité mexicaine : pratiquer l’albur, ou alburear (cette pratique a un verbe dédié). Grosso modo, ça consiste à truffer ses phrases d’allusions grossières et de jeux de mots équivoques, auxquelles je ne comprends évidemment rien. Et qui font mourir de rire tous les locaux. C’est un sport national, un peu comparable aux insupportables contrepèteries en français (que je ne comprends jamais non plus). Le jeu de mot dont TOUS les Belges sont victimes ici, c’est l’analogie sonore entre BELGA et VERGA (ça va, vous suivez ?), deux mots qui sont prononcés quasi de la même façon. Ça ne rate jamais quand un chauffeur de taxi me demande d’où je viens. « Aaaah, eres verga ? » Le gars s’étouffe ensuite de rire et manque de nous envoyer dans le fossé.
Quand tu passe des heures dans un marché aux puces où tu as tout envie d’acheter. Et où tu remercies le ciel de ne plus avoir de maison et d’avoir toute ta vie dans un sac de 23 kg, entité difficilement extensible.
Une amusante pirouette linguistique. Si j’achète un truc qui coûte 200 pesos, à tous les coups le vendeur dira serian 200 pesos (ça ferAIT 200 pesos). Et non son 200 pesos (ça fait 200 pesos) ou même seran 200 pesos (ça ferA 200 pesos). Mais pourquoi ce conditionnel ? Pour indiquer le montant, des fois que je décide quand même malgré tout de l’acheter ? A l’africaine, pour indiquer qu’il y a une marge de négociation ? Pour alléger le montant de la douloureuse ? Pour me donner l’occasion, si je n’ai pas cette somme sur moi, de renoncer à mon achat ? Pour sous-entendre que, malgré que la personne me vend un truc, elle resteRAIT mon amie pour la vie ? Pour sous-entendre de manière pseudo-chic que nous sommes bien au-dessus de toutes ces sordides histoires d’argent, le vendeur et moi ? Pour insinuer que mon achat ne vaut pas les 200 pesos que je m’apprêteRAIS à lui filer ? Hm ?
Cela dit, d’autres bizarreries sont très courantes : souhaiter buenos dias à quelqu’un qui ne pourra, au mieux, passer qu’UNE SEULE bonne journée à la fois ou buen provecho (bon “burp”, bon renvoi) à quelqu’un qui va seulement commencer à manger. Cette dernière expression étant vraisemblablement à remettre dans un contexte où la faim a pu être omniprésente, et où les signes de satiété devaient donc être les bienvenus…

Un peu d’histoire : à partir de 1829 et pendant les 22 ans qui suivirent, la présidence de la République mexicaine changea 36 fois (dont 11 fois au profit du même type, qui a eu le mérite d’insister).
Ici, il y a des chaînes de pharmacies qui ne vendent QUE des médicaments génériques.
Et à propos, l’autre jour, je rentre dans une pharmacie. Et le garde me demande de retirer … mon casque de vélo !
Please meet Joe from Indiana
Cette histoire très touchante a zéro à voir avec Mexico mais comme elle s’est passée ici, je la raconte. J’étais en pause café et, à la table à côté, il y avait un américain qui avait envie de pratiquer un peu son anglais (à mon avis il ne parlait pas grand-chose d’autre). Voilà donc Joe, avocat retraité dans l’Indiana, comme moi devenu nomade. Sauf que pour lui, l’élément déclencheur a été moins cool, à savoir le décès de son épouse des suites du Covid.
L’histoire de Joe est assez singulière. Son épouse était originaire des îles Marshall, un bled perdu en Micronésie (Océanie), anciennement sous tutelle américaine. L’épouse, dont j’ai oublié le prénom, était promise au chef du village. Et, à 15 ans, elle a eu le courage de refuser ce mariage forcé. Du coup, elle et son mari ont été relativement ostracisés aux îles Marshall car elle avait refusé un mariage traditionnel (même si on ne lui avait pas laissé le choix).
Et voilà que le méchant chef vient de casser sa pipe. Pour honorer le courage de celle avec qui il a eu un mariage fantastique de 48 ans, notre ami Joe, 72 balais, vient de postuler pour devenir Attorney Général de ce petit état indépendant.
Hope you get the job, Joe 🤞🏻
La cuisine mexicaine résumée en quelques mots : Salsa roja o Salsa verde ? (Je traduis : “très piquant ou un peu moins piquant mais piquant quand même ?”
Sur le site d’un journal local, je lis ceci : DÉPRESSION HIVERNALE : SAVOIR L’IDENTIFIER ET LA SOIGNER. On croit rêver. Amigos mexicanos, j’ai un truc important à vous confier. Il y a entre 6 et 10 heures d’ensoleillement TOUS LES JOURS TOUTE L’ANNÉE dans votre beau pays. Et vous venez me parler de dépression hivernale ? Mais si VOUS vous êtes déprimés en hiver, qu’en sera-t-il d’un habitant de La Louvière ou Dunkerque, alors ?
Benoît m’écrit. « Je tiens déjà le concept du spin-off de ta chronique. Ça s’appellera « Thierry selon tout le monde ». Et tu demandes à « tout le monde », autrement dit à tous ces gens que tu rencontres et avec lesquels tu partages un peu plus qu'une photo, de rédiger ou d'enregistrer une mini-chronique sur... TOI ! »
J’adore.

De la crème glacée pour les chiens. Oooh, c’est trop bien, justement vous en rêviez, et votre petit Médor aussi ! N’hésitez pas à lui proposer l’entièreté de cette gamme spécialement conçue pour lui : beurre de cacahuètes, coco, carottes-vanille, fruits rouge ou encore - un délice - corossol à la vitamine C. Voire même des trucs intraduisibles genre algarrobo con amaranto. Vous vous imaginez ? Non seulement votre chien va se régaler mais il va même devenir hispanophone en apprenant des mots compliqués !
Un sport national ici : les arnaques immobilières. On vous vend des appartements qui n’existent pas, on vous loue des maisons qui ne sont pas à louer. Les avis officiels se multiplient pour mettre en garde contre des versements anticipés, bien vérifier l’état – ou carrément l’existence – d’un bien avant de l’acheter… Très sympa aussi : faire une demande de prêt hypothécaire à une fausse banque ou alors acheter à un vendeur qui n’est pas habilité à vendre le bien (il a juste recopié l’annonce immobilière d’un autre). Bref, faut être prudent si on veut faire des affaires immobilières ici. D’où ce non-sens que j’ai photographié : on placarde même des avis sur des maisons qui ne sont pas à vendre. On n’est jamais trop prudent…
Sur le sujet, Gérard rajoute : la sagesse populaire assure que le
Distrito Federal
, c’est neuf millions de chilangos qui cherchent à surprendre neuf millions de chilangos – plus neuf millions de chilangos décidés à ne pas le permettre (cette définition de Mexico date d’une époque où ils n’étaient que 9 millions, aujourd’hui c’est plutôt 25 !). Et c’est là qu’intervient le
colmillo
(le croc, la canine, la défense). C’est ce qui manque au touriste, au provincial, au débutant…
Un jour, pendant la douche, pfffiiiouuuu, plus d’eau chaude. Je sors, frigorifié. Je veux mettre le chauffage. Marche pô. Puis me faire cuire quelque chose. Pas moyen. Verdict : il n’y a plus de gaz. COMMENT ÇA IL N’Y A PLUS DE GAZ ? Et j’apprends, médusé, que Mexico (la plus grande ville américaine, pour rappel) n’a quasiment pas de réseau de gaz de ville. Et que c’est un livreur (comme le mazout, chez nous, au XVIe siècle), qui doit venir remplir la bonbonne sur le toit. Et donc, on a appelé Arturo !
Ce qui suit est assez consternant, je vous préviens. En glandant sur le net, je fais la connaissance de Carlos Jiménez, présentateur de télé. Une sorte de Pascal Brutal, t-shirt moulant, tatouages, bouc et coupe nickel, combat shoes... Regardez comme il est beau et viril. C’est bien simple, je crois que j’ai une érection.
Il présente une émission quotidienne consacrée aux affaires policières. Alors non seulement les Mexicains ont VRAIMENT ce qu’il faut mais en plus ils semblent adorer mater tout ça jusqu’à l’overdose (pun intended). Regardez juste le générique de l’émission et le sommaire. A côté, les trailers hollywoodiens c’est du jus de navet. Et cette voix, racoleuse et vulgaire, qui vous promet les pires horreurs. C’est vraiment le degré moins douze de la télé (et rrrrrrien que des images HD bien entendu). Save us, Joe from Indiana !!!
Voilà. C’était la première newsletter que j’ai faite tout seul (pas peu fier, le papi) ! Je vous laisse avec ce très très très très court-métrage totalement intrigant aux nombreux retournements de situation…