DES NOUVELLES DE MEXICO #8 ET FIN
Pour cette dernière livraison, on commence par une escapade à Guadalajara
Je passe quelques jours dans “la ville aux 5 A” chez Hubert Antoine, écrivain namurois exilé ici depuis 25 ans. En rentrant dans son chemin privé, il me glisse que, il y a 10 ans, on y a trouvé trois têtes coupées dans un sac en plastique. Bienvenido, señor Tinnelotte.
La tequila (qui est ici masculine, on dit EL tequila car c’est une boisson pour nous les zommes) est une appellation protégée. Elle ne peut être produite que dans cinq états mexicains. Sinon, c’est du destilado de agave. Ça goûte pareil mais c’est moins chic.
Fun fact : je sais d’ailleurs pourquoi la tequila n’est produite que dans quelques endroits : l’agave bleu qui sert à sa fabrication n’est fécondable que par une race de chauve-souris vivant uniquement dans ces régions. Donc l’équation c’est : tequila = cactus + caca de vampire. En raccourci, hein.
J’ai profité de mon séjour ici pour goûter deux spécialités locales : la michelada (bière, sauce anglaise, bouillon Maggi, citron) et la paloma (tequila, limonade de pamplemousse, sel…). Le verdict est sincère et unanime : beuargh²
Par contre, j’ai enfin essayé le pulque, cette décoction fermentée d’agave (donc de cactus) qu’on m’avait vendue comme quasi-vomitive et baveuse. C’est dire si j’étais pressé de le goûter. Eh bien pas du tout : si le serveur ne nous avait pas mis à la porte parce qu’il voulait fermer boutique, je serais encore en train de me torcher au pulque (entre 6 et 8° quand même) en compagnie de mon charmant guide.
Les habitants de Guadalajara s’appellent les tapatiotes. C’était, au départ, la mesure d’un sac de cacao qui servait de monnaie locale. On s’en tape, je sais.
Ça fait six mois que je me demande pourquoi Jésus a un sexe en érection sur la tête ici au Mexique. Alors :
ce n’est pas un sexe mais une flamme.
ce n’est pas Jésus mais Judas. Noooon, pas le Judas méchant, le Judas gentil, Saint Judas Thaddée, très populaire par ici. Et la flamme représente l’esprit saint.
Ici au Mexique, on trouve vraiment de tout sur les réseaux sociaux🤦🏻🤯🤬, hein !
Guadalaraja n’est pas à proprement parler une ville touristique. Il n’y a pas de grands musées, pas de reliques de poils de moustache d’Emiliano Zapata ni de grande pyramide pleine de mystères… Et donc les guides touristiques ne s’y sont pas trompés, consacrant à peine quelques lignes à la deuxième ville (en population) du pays. Sauf que, justement, comme il n’y a pas de touristes, on profite pleinement d’une ville aérée, divertissante, verte, forte d’une belle identité et de quartiers splendides (art déco quand tu nous tiens). Au moins deux clichés mexicains ont vu le jour ici. Tout d’abord les mariachis, ces troubadours itinérants coiffés d’un chapeau en forme d’amanite et avec des pantalons aux coutures boutonnées d’or. Et ensuite la tequila (voir plus haut). Et on rajoutera, pour la bonne bouche, quelques spécialités culinaires du pays, qui ont été inventées ici : le pozole (viande bouillie et maïs) et la torta ahogada (sandwich à la viande de porc plongé dans la sauce piquante), remède souverain contre la gueule de bois. Quelques jours passés ici à user mes semelles en trottinant derrière Hubert, le sourire aux lèvres et des étincelles dans les yeux, jusque tard le soir. J’ai adoré cette ville et ses habitants. Il fait vraiment doux vivre ici.
En rentrant de Guadalajara, trèèès long voyage en bus de 12 heures, bloqué pendant 5 heures par des manifestants. Excédé par les incessantes notifications très sonores du téléphone de ma voisine, je lui demande si, con todo respecto, elle voudrait bien baisser le volume de son bazar. Et c’est là que, complètement désarmée, elle m’avoue n’avoir pas la moindre idée de comment se mettre en mode silencieux. « Vous comprenez, c’est ma fille qui fait tout cela d’habitude… »
Flor, la gouvernante de la maison où j’habite à Mexico, se fout de moi parce que j’ai confondu caldo (bouillon) et caliente (chaud). Et que « una crepa calda » ça ne veut donc rien dire… à part vaguement « une crèpe en forme de soupe ?? ». Je lui garde donc un chien de ma chienne pour quand elle apprendra le français et OSERA faire une faute de participe passé.
Dans la rue, un policier avec une nominette : J. Colon L.
J’en profite pour vous signaler que si vous connaissez quelqu’un qui cherche un logement momentané à Mexico (vacances, séjour pro…), j’ai un plan d’enfer, sympa et pas cher dans la colonia Roma Sur, un quartier safe, super agréable à vivre. Et je sais de quoi je parle, je viens d’y passer six mois. MP si intéressé.
J’ai pris beaucoup de plaisir, dans les cafés et autres officines alimentaires, à voir comment mon prénom (totalement inconnu ici) était épelé ici. J’ai eu droit à Cerri, Shérif, Jerry, Thieny, Shere, Estery… La dernière fois, le serveur a évité le piège et a simplement écrit CLIENT N°1…
De temps en temps, j’utilise un outil de traduction pour traduire certaines de mes chroniques et les envoyer à des amis hispanophones, anglophones… Généralement, je relis le texte pour éviter les traductions foireuses. Mon traducteur automatique m’a ainsi traduit vers l’anglais « zigouillé » en « zigouled ».
Mon fantastique séjour touche doucement à sa fin. Le top deux des trucs les plus difficiles :
arriver à trouver la motivation de travailler alors qu’il fait super beau tous les jours. Moi, je viens d’un pays où il fait souvent moche. Et donc, dès qu’il y a un rayon de soleil, hop dehors. Oui, sauf qu’ici il fait plein soleil dix heures par jour…
me passer de certains produits alimentaires que j’adore. J’avais par exemple remarqué que le supermarché au coin de ma rue avait PARFOIS du Comté. J’ai donc passé des mois à aller checker le rayon fromages tous les jours pour y trouver ma dope, bien souvent en pure perte.
J’aimerais terminer en vous parlant d’un son qui caractérise la ville de Mexico : c’est la canción de los pregoneros de fierro viejo. La chanson des ferrailleurs. Partout dans la ville, on entend ceci.
Qui dit très exactement Se compran colchones, tambores, refrigeradores, estufas, lavadoras, microondas, o algo de fierro viejo que vendan? (On achète des matelas, des casseroles, des frigos, des cuisinières, des machines à laver, des micro-ondes ou tout autre vieilles ferrailles à vendre).
C’est excessivement énervant comme chanson — il y a un nombre incroyable de ferrailleurs au m² — et en même temps super typique. Cette chanson a été enregistrée il y a une dizaine d’années par Maria Terron, la fille d’un ferrailleur. Et elle fait aujourd’hui du patrimoine sonore de la ville. Des musiciens de jazz-rock en ont même fait une adaptation très spectaculaire.
D’autres services aux habitants bénéficient également d’un son spécifique : le ramassage des poubelles, la livraison de bonbonnes de gaz, les vendeurs de bananes plantain frites (eh oui, c’est pointu !), le rémouleur, le livreur de pain ou le vendeur de tamales de Oaxaca. Tous ces sons donnent un charme fou à cette ville qui se vit facilement, avec douceur et indolence. En tout cas c’est mon expérience, et je vous la recommande chaudement.
Prochainement, changement d’ambiance, je vous écrirai depuis Edimbourg en Ecosse.