DES NOUVELLES DE RIO DE JANEIRO #3 ET FIN
Introuvable dans les restaurants : du poivre. Du sel, ok. Un bol avec du jus de piment qui fait tomber les dents, ça c’est quand vous voulez. Mais un bête poivrier, tu oublies*.
*Renseignements pris, le poivre c’est ici une épice comme une autre. Je me retrouve dans la situation d’un Indien qui, loin de son pays, rechercherait “un simple pot de curry”…
Une soupe à l’arracacha, senhor ? Euh… je ne sais pas trop à vrai dire… (vite, mon téléphone : l'arracacha, ou pomme de terre-céleri, est une plante potagère de la famille des Apiaceae d'origine andine cultivée en Amérique du Sud pour sa racine tubéreuse, riche en amidon. C'est un légume-racine qui développe après cuisson un goût intermédiaire entre le céleri, le chou et la châtaigne grillée. Merci, Wikipédia.
Le truc cool dans les bus : au milieu de nulle part, tu demandes gentiment au chauffeur de te laisser sortir et ça marche. Pas certain que ça marcherait chez nous (« L’arrêt, c’est l’arrêt, hein monsieur »)…
Une petite suée sécuritaire. J’ai expliqué que quasi toutes les favelas étaient contrôlées et administrées par des bandes organisées. A. m’emmène visiter la communauté de Vidigal où elle habite. La déclivité étant redoutable (15/20% facile), le trajet s’effectue en mototaxi. Et, comme un gros crétin, je me dis « Tiens je vais filmer tout le trajet ce sera sympa… » Et voilà qu’apparaît sur mon écran un type armé d’un fusil d’assaut. Le gars voit que je suis en train de filmer et commence à hurler en nous demandant de nous arrêter. Par bonheur, mon chauffeur a un casque (moi pas, par contre 😅) et n’entend pas les cris. On continue donc. Mais je flippe en me disant que le gardien va appeler un de ses collègues plus haut pour m’arrêter et checker mon téléphone. Du coup, tout en roulant, j’efface fissa mon film, en essayant d’éviter de lâcher le téléphone. Et je le réefface dans les éléments supprimés. Au sommet du village, seul le grand sourire de ma guide m’attendait. Ouf.
Vu ce tract bizarre en rue. Même si tout le monde a marché dessus, ça semble être du lourd et ça m’intrigue…
Yves précise : “Depuis toujours, TV Globo est aimée mais surtout détestée par beaucoup, pas seulement par les Bolsonaristes. Ils ont appuyé la dictature à l'époque où ça les arrangeait, appuyé l'impeachment de Dilma Rousseff et la prison de Lula. Par contre, ils ont sans doute appuyé Lula lors de son premier mandat. Mais ce qui (me) gêne le plus au Brésil, c'est le monopole de 2 ou 3 groupes de média détenus par quelques grandes familles. Et la qualité de la production qui est en-dessous de tout. Ça en dit long sur l'abrutissement de beaucoup de gens qui n'ont pas eu la chance de développer un esprit critique. Ce qui fait le plus de succès, ce sont des émissions qui passent en boucle des faits divers plus sordides les uns que les autres et des poursuites policières qui renforcent la sensation d'insécurité et la course à l'armement… »
Merci Yves. C’est parfait, on est tous super déprimés maintenant. Merci, vraiment. Et merci aussi pour l’article du Monde Diplomatique sur les relations entre la presse et l’église…
Grosse incohérence : une dizaine de fois j’ai été empêché de réaliser un achat ou une transaction car je ne possède pas de CPF, le document de résidence fiscal des Brésiliens. En clair, le Brésil ne permet pas aux ressortissants étrangers de participer à la vie de son économie. Pas très logique…
Dans le métro, il y a un truc qui s’apparente à ce que j’imagine être une torture nord-coréenne : les mêmes huit mesures de musique d’ ascenseur passent en boucle, dans toutes les stations de métro, toute la journée. La même musique. Partout.
Si vous voulez savoir ce que ça fait de monter sur le Pain de Sucre, eh bien voilà une webcam qui transmet en direct, H24, les images vues de là-haut.
C’est une histoire peu banale qui vient de m’arriver et je l’ai échappé belle. Je me suis courageusement interposé lors d’une tentative d’enlèvement d’une riche héritière ici à Rio de Janeiro. La jeune femme a pu s’enfuir, mais moi j’ai été pris en otage par ces dangereux narco-trafiquants. Je n’ai dû mon salut qu’à une spectaculaire évasion réalisée grâce à une petite cuillère que j’avais cachée dans mon rect…
Suite à cette histoire, quelques commentaires amènes et prévenant sur mes réseaux sociaux :
En fait tu as voulu manger à l’œil et chiper une cuillère en argent dans ton rectorat...
En Amérique, tu pourrais demander 235 millions de dollars de dédommagement à la municipalité concernée. Au Brésil, t'auras, dans le meilleur des cas, droit à une caipirinha.
Tu fais le trottoir à Rio ?
Je ne me permettrais aucun commentaire. J’ai à peu près la même gueule après que ma raquette de padel a décidé de m’attaquer sauvagement lors d’un match amical.
Le trottoir est en prison, j'espère ?
J’espère que la cuillère n’a rien…
TT a un ongle incarné et la moitié de la Belgique réagit. C'est ça la véritable popularité. Bravo.
Et le plus insolite : une rédaction belge qui « espère que tu n’as pas trop de mal suite à l’agression. Peut-on te contacter pour relater ton agression stp ?”
Je viens de me mettre à pleurer dans un restaurant. Tout seul. Je me suis embrouillé grave avec un serveur. Je lui désigne un plat. Il me dit : « C’est une grande portion ». Ok pas de souci, j’ai faim. Et il m’amène un plat pour deux personnes, genre un kilo de viande. Je lui dis « Hé ça va ici ? C’est pour deux personnes ! ” Il me dit « Je vous ai dit que c’était une grande portion… » Oui mais que je sache, « grande portion » ne veut pas dire « plat pour deux » Il a bien vu que je suis tout seul ! Bref on s’engueule, ça dure pas mal de temps, je m’énerve (n’oubliez pas que tout cela se passe dans une langue que je ne maîtrise pas bien). Finalement, il revient, il s’excuse et il m’offre une bière. Je suis donc passablement échauffé et un peu déstabilisé. Et là, le petit groupe qui joue dans le resto joue une chanson de Milton Nascimento, qui est mon compositeur brésilien préféré. Et hop je fonds en larmes.
Je découvre Le bronzage brésilien (oui, bon, désolé, hein, je ne suis pas vraiment cœur de cible). Le principe :
c’est cool d’avoir des marques de bronzage bien nettes (ah bon ?)
Le bikini, ça bouge et donc ça fait des traces floues (beuah).
La solution : fréquenter un des innombrables solarium du pays. Où on utilise du ruban adhésif qui « recrée » la forme du maillot. (Oui je sais, moi aussi ça me sidère un petit peu). cette technique est en vogue depuis une dizaine d’années et a également gagné la population masculine. Sur les réseaux sociaux, on trouve quelques commentaires assez rigolos qui se moquent de cette tendance du genre : « Cet été, les magasins de matériaux de construction vendent plus de ruban isolant que de ciment. »
Je quitte le Brésil après trois mois d’aventures, de découvertes, de soleil, de musiques, de sourires par centaines et d’incessants éclats de rire. C’est ce que je retiendrai le plus d’ici : les gens. Ils sont beaux, ils sourient, ils sont accueillants et très curieux de savoir ce que vous pensez … de leur nourriture ! Et comme j’ai la chance de pratiquer leur langue, eh bien je me suis fait plein de nouveaux potes, que j’emmène dans mon cœur jusqu’à Santiago de Chile, ma prochaine étape. Mon challenge dans les heures à venir : désinstaller l’app FALOPORTUGUÈS et réinstaller mon vieux logiciel HABLOESPAÑOL 2.0. Ça sent le portuñol à plein nez…
Je rappelle qu’il est possible de prolonger le plaisir grâce à ma newsletter musicale :
Tout ce que vous avez lu, je l’ai vécu. Un énorme merci à mes principaux indicateurs Jurek K., Yves R., Francis J., Olivier A., Camille C., Vitoria M., Diego G., Amanda O. et Rafael C. mais aussi Luciana, Vinicius, Paulo, Clea, Narcelio, Luca, Marta, Gerson, Henrique, Barbara, Charlie, Giulia, Aleide, Natalia, Rodrigo, Graça, Rayssa, Lola, Luana, Angel, Karen, Taiane, Vinicius, Laszlo, Katia, Francisco et Lucas. Era um prazer e un privilegio de tener voces a mi lado durante estos tres meses ❤️❤️❤️
On ne s’en lasse pas. On ne s’enlace pas non plus.