DES NOUVELLES DE SAIGON (ou HO CHI MINH CITY c'est tout pareil)
Après Hanoï, grande ville « dans son jus seventies », voici Ho Chi Minh City. Flamboyante, moderne, tournée vers l’avenir, la jeunesse, les affaires et la technologie.
François Schwennicke est très connu en Belgique : il a dirigé la maroquinerie Delvaux. Maiiiiiiiis ce fringant jeune homme est aujourd’hui aussi une star au Vietnam : il a créé plusieurs restaurants BELGO où l’on sert les meilleurs saveurs venues de chez nous. Le resto plaît tellement qu’un habitant y a fait sa demande en mariage… ainsi que la cérémonie. François a fait plus fort encore : il a démonté, boulon par boulon, la brasserie Hof ten Doormaal à Haacht près de Bruxelles et l’a remontée ici dans le coin. Du coup, sa bière est en vente partout ici au Vietnam et les gens l’adorent. Alleï, santeï (comme on dit sur les rives du Mekong).
Entre deux cocktails à la terrasse du Belgo, François me parle des femmes ici et du pouvoir qu’elles ont acquis dans la société vietnamienne. Il y voit une raison sociologique : pendant longtemps, les hommes sont partis se battre, ils étaient au front et non à la maison. Et leurs femmes ont donc pris en main les rennes de tous les aspects de la vie quotidienne, elles se sont émancipées. Les progrès du Vietnam en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes ont d’ailleurs été largement salués par la communauté internationale. Ça va du rôle des femmes en politique et en économie à la lutte contre les violences basées sur le genre.

J’avais abordé dans mon envoi précédent les célébrations des 50 ans de la fin de la guerre. Je suis venu à Ho Chi Minh pour en prendre plein la vue : défilé militaire, spectacle de drones, mapping… mais surtout, toute une ville (tout un pays !) qui exultait de joie et de fierté à l’idée de célébrer les 50 ans de l’unification du pays. Commentaire d’un expat installé ici : « Tu dois bien comprendre que, successivement, les Vietnamiens ont été occupés par les Chinois, les Français, les Japonais puis les Américains. Et qu’ils sont parvenus à jeter dehors ces quatre grandes puissances mondiales. Tu comprends donc qu’ici, le sentiment d’appartenance à une nation soit tellement présent. »


Dans un magasin Häagen-Dazs, cette inscription en grand : MADE IN FRANCE. Mais dans quel film et depuis quand ? Pour rappel, c’est une marque créée aux USA en 1961. Un nom totalement inventé par desReuben et Rose Mattus, un hommage au Danemark pour la manière exemplaire dont le pays avait traité ses citoyens juifs pendant la guerre). Made in France, donc 🤭 On dirait que les marketeurs ont encore frappé…
Je suis à nouveau pétrifié de peur au milieu d’un boulevard : plus moyen ni d’avancer ni de reculer. Pas grave : des militaires arrêtent le trafic. Et me voilà de l’autre côté en 10 secondes. Commentaire d’Yvain : “tu as de la chance car normalement les militaires ne s’occupent pas de la circulation sauf pour les cortèges VIP. Ils t’ont donc reconnu…”

J’ai renoncé à mes efforts en vietnamien sur Duolingo, ça ne me sert à rien ici. Comme me l’écrit Sophie : « Il y a 75% de chinois dans les mots et 15% de français… c’est là que tu regrettes de pas avoir appris le chinois ! » En effet.
Dernière humiliation en date : je suis dans un ascenseur et un type me demande, en anglais, d’où je viens. Je lui ressors une des rares phrases que j’ai apprises :
Tôi là người Bỉ (je suis belge)
Le gars : Germany ???
Moi : mais non, enfin, TÔI LÀ NGƯỜI BỈ, c’est quand même pas compliqué !
Le gars : Bangladesh ???
Laurent m’écrit. “Tes nouvelles me rappellent de bons souvenirs. Je ne parvenais pas non plus à traverser la rue seul ! Et j’ai aussi le souvenir de gens souriants et accueillants. Mais, en effet, je n’arrivais pas à entendre les nuances qu’apportaient les 6 modulations tonales dans les mots, souvent très brefs. Ainsi avais-je appris que le mot monosyllabique « Bî » pouvait, en fonction de l’accent (mais comment entendre l’accent sur un mot si bref ?), signifier « courgette », « belle », « peau de porc » et... « Belgique ». Faut faire gaffe, tout de même, car dire « J’habite en peau de porc », c’est bizarre !”
Allez, on résume : Bi = bille ; Bỉ = belge ; Bí = courgette ; Bì = couenne de porc ; Bị = être (passif) ; Bĩ = mauvais. Facile, non ?
François conclut l’affaire : “Généralement, quand je dis que je viens de Bî, je mentionne Lukaku. Et ça ne rate jamais : ils me citent tous les autres joueurs…”
Le métro vient d’ouvrir sa première ligne et ça ne marche pas encore très très bien. Les automates de vente de billet ne vendent encore rien. J’y suis d’abord allé un jour où c’était gratuit mais je suis ressorti assez rapidement car l’attente était un peu longue. Pour que je puisse repasser le portique, le gardien a dû demander à un autre passager de me prêter sa carte d’identité. Ça sentait un peu le bricolage, mais c’était fort sympathique. Comme c’est la première ligne de métro à HCMC — inauguré il y a quelques mois à peine — les habitants y viennent en famille pour essayer les rames et faire des selfies.
Ho chi Minh compte 800 motos par 1000 habitants. Et seulement 30 voitures.
Plus de la moitié des Vietnamiens ont moins de 33 ans. Ils sont désignés ici comme la génération 8X : nés dans les années 80 ou après, ils sont la première génération qui n’a aucun souvenir de la guerre ni de la misère qui y était associée.
Véronique m’envoie un article du Monde qui explique que, 50 ans après la fin de la guerre, il reste ici 200 000 combattants sans sépulture : ils n’ont jamais été retrouvés. Des médiums, qui « communiquent avec les morts et avec les esprits », sont ainsi chargés de missions de recherche et d’identification. Avec quelques ratés quand même : en 2013, un médium avait fait déterrer à grand renfort de médiatisation… des os de porc et de poulet !
Pour la première fois je me suis fait faire un nettoyage des oreilles, un soin assez courant ici au Vietnam. On m’a ainsi introduit un nombre invraisemblable de brossettes et autres canules dans le conduit auditif. A un moment, la praticienne veut dire un truc à sa collègue et elle me bouche les oreilles avec ses doigts. Visiblement, j’ai une gueule à comprendre parfaitement la papote en vietnamien !

Le moment le plus dur au Musée des Vestiges de la Guerre, ce sont les exemples — extrêmement explicites et en photo — des dégâts causés par l’agent orange, le défoliant américain balancé par tonnes entières pendant dix ans sur tout le pays.
Il est assez frappant de voir, ici à Saigon, le nombre de restos japonais, coréens ou chinois. Pas forcément une évidence. Rose m’explique : « Les Vietnamiens sont curieux et aiment goûter la cuisine des autres. D’où la variété des restaurants. »
Ici, les gens mettent des glaçons dans la bière. La résultat est assez ueeerk, je dois bien le dire. Autre particularité : ici le thé glacé au jasmin est appelé « the student beer ». Car il a la même couleur que la bière et il fait illusion dans les milieux non-alcoolisés estudiantins.

Pour honorer leurs morts, les Vietnamiens brûlent un peu de tout : des faux billets (pour que les défunts aient de quoi dépenser dans l’au-delà) mais aussi des vêtements (en papier), des bagnoles, chevaux ou nécessaire de toilette (le tout en papier).
Dans les rayons d’un magasin de vêtements, je croise le regard d’un autre Occidental qui, comme moi, se demande comment il va rentrer dans les tailles locales. Pas gagné, mon gros !

J’ai adoré ce séjour à Ho Chi Minh City : les gens y sont souriants, accueillants, bienveillants et complices. La suite : retour à Hanoi, j’ai encore deux semaines de découvertes et de fun devant moi (vous aussi, du coup).
Top! Comme si on y était 😘♥️