DES NOUVELLES DE SALVADOR DE BAHIA 2
Au menu : candomblé, mon homonyme qui fait de moi une quasi-star ici, une loterie illégale, des arbitres de foot sous haute protection...
Ce qui suit est un peu complexe à raconter. J’ai assisté à une festa de Exu, une cérémonie candomblé, une religion très populaire ici. Disons que c’est un mélange de rites africains (ça date des esclaves) et d’influences indigènes et catholiques. Détails ici.
Je citerai juste ceci, afin de totalement vous éclairer sur le sujet : l’Exu est célébré par l'Iamorô, assisté de deux des plus anciennes filles-saints de la maison, la dagã et la sidagã, au son de chants en langue africaine, chantés sous la direction de l'Iatebexê et sous le contrôle de la babalorixá ou de l'ialorixá, devant un petit bol d'eau et un bol contenant la nourriture de l'Exu, un autre bol contenant la nourriture préférée des ancêtres. Ok ? C’est clair pour tout le monde ? Bon, je continue.
Dans le terreiro (maison du culte), au-dessus de chaque porte, des noms étranges : OMOLU, YABAS, OSALA, OGUN, WC… ah en fait le dernier je crois que je vois ce que c’est.
Je suis accueillie par Bombom, maîtresse des lieux, qui me demande (c’est sa première question) quel était le métier de ma mère. Argh, comment on dit « aide-comptable » en portugais, encore ?
S’ensuivent une série de chants et de danses. Karen, qui m’invite, a l’air en transe. Par la suite, sa cousine me demandera « si j’ai eu l’occasion de parler avec la dama da noite, l’esprit qui occupait le corps de Karen »… Grand blanc de ma part, je ne savais pas quoi répondre.
Disons que la différence entre cérémonie religieuse et grosse fiesta bien arrosée est assez ténue pour moi. Surtout après que Karen m’ait demandé « d’amener du champagne et des cigarettes pour sa pomba gira dama da noite »… Euh, oui, euh… pas de problèmes !
Pour terminer sur le rite candomblé, je vous signale enfin qu’il est interdit de manger du crabe parce que c’est un animal « qui va en arrière » et donc si on en mange, on va revenir en arrière dans sa vie (by the way, au Nouvel An, les Brésiliens mangent du porc, car il cherche sa nourriture vers l'avant (en retournant la terre avec son museau), tandis que le poulet gratte la terre vers l'arrière.) Plus grave : le vendredi, jour sacré, défense de s’habiller en noir ou de manger de l’huile de dendé (de l’huile de palme en fait). C’est compris ?
C’était très amusant, bien décalé et passionnant. Comme je l’ai dit, ça reste un peu obscur pour moi, mais cette immersion m’a permis d’entrevoir la richesse des cultes, philosophies et croyances ici au Brésil.
Mon grand plaisir de polyglotte quintilingue, moi qui sers souvent d’interprète entre des personnes qui ne se comprennent pas : « Pourriez-vous m’aider ? Madame ne comprend pas l’anglais » Ce à quoi je réponds immanquablement : « Non monsieur, c’est vous qui ne comprenez pas le portugais ».
Et bam.
Comme j’ai un prénom qui n’est pas très courant (seuls quelques vieux francophones sexagénaires s’appellent encore ainsi), j’ai pris l’habitude de dire « Comme Thierry Henry, vous savez le footballeur ! » car c’est une star mondiale. Ici, dans un taxi, quand je dis comment je m’appelle, on m’a répondu « Aaah, comme le chanteur ? » Je ne savais pas que mes exploits musicaux avaient traversé l’Atlantique, je vais rougir, tiens. Sauf qu’en fait non, Tierry est un chanteur très populaire ici à Bahia. Et comme m’a dit Michel quand je lui ai raconté cela : « La fraction de seconde que j’ai perdue en écrivant ton h depuis 30 ans m’a peut-être fait perdre une heure de ma vie entière. Réfléchis à ça. »
La fondation Jorge Amado est aussi endormante que ses romans. J’ai essayé deux fois (Bahia de tous les Saints, Dona Flor et ses deux maris, désolé c’est certainement très bien mais moi j’arrive pas).
Un remède de cheval = amansa leão (un calme-lion). Juste pour info.
C’est amusant de combiner les rendez-vous en tenant compte des fuseaux horaires. Alooooooors Jenny : il est quatre heures de plus chez elle à Bruxelles. Et Pierre ? Aaaah bin chez lui à Montréal, par contre il est deux heures de moins qu'ici. Et l’autre Pierre ? Alors chez lui il est 10h de plus à Bangkok. Donc, moi je m’endors et lui vient de se lever. Allô, Pierre ? Etc.
À la pizzeria, j’hésite entre deux goûts. « Mais cher Monsieur pourquoi ne prenez-vous pas la moitié avec chaque goût alors ? » Je crois que c’est la première fois qu’on me propose ça dans ma vie. Ici on va parfois jusque cinq goûts ! Cela dit j’ai échappé au pire : la mayo ou le ketchup sur la pizza, pratique extrêmement répandue ici🤢.
Fruits, légumes, piments divers, crevettes séchées, feuilles pour guérir le mauvais œil, articles religieux, perles de toutes les couleurs et de tous les saints : bienvenue à la Feira Sao Joaquim. On part marcher au marché, bon amusement !
Véritable institution ici au Brésil, le jogo de bicho est une loterie illégale mais largement tolérée, organisée par des associations clandestines sans doute liées au crime organisé, mais on sait pas trop en fait. Contrairement aux loteries légales, on peut y miser n’importe quel montant (malheureusement bien souvent au-dessus des moyens du parieur). Car plus le montant parié est élevé, plus le gain est important. Et même si c’est pirate, il y a des règles bien précises. Cette loterie permet visiblement de faire circuler de l’argent dans les couches les plus défavorisées de la population.

Je suis allé au foot et j’ai assisté au célèbre derby BA-VI (les deux équipes de la ville, Bahia et Vitória, s’y affrontent depuis une centaine d’années). Pendant la deuxième mi-temps, ils annoncent au micro LA RECETTE DU JOUR, au centavo près. Après chaque mi-temps, les arbitres sortent du terrain entourés de policiers en armes. Je signale enfin à tous les fans de foot que que Wellington Nem est rentré au jeu à la 53e minute en remplacement de Thiago Lopez.
Le musée le plus canon ici à Salvador, c’est la Cidade da musica da Bahia. C’est interactif, super ludique, incroyablement addictif, et on a envie de passer des heures à découvrir les dizaines de styles musicaux qui sont populaires ici à Bahia.
J’ai reçu un super cadeau de Rafael Cordeiro, qui a été mon guide ici. Rafael fait de la BD et il m’a offert un splendide dessin qui résume assez bien tout ce que j’ai vu et visité ici à Salvador. C’est grâce aux habitants que je m’immerge dans chacune des villes que je visite. Et je lui suis donc extrêmement reconnaissant. Ses créations sont visibles ici.
Je quitte Salvador à regret. J’ai trouvé ici une certaine nonchalance et douceur qui m’attire. Et même si ce n’est pas la ville la plus « graphique », il s’en dégage un charme certain. Mais mes regrets seront vite noyés puisque, comme Claude jadis…