DES NOUVELLES DE SANTIAGO DU CHILI #3
Pour cet ultime épisode de mon périple chilien, on ira surtout cette fois à Valparaiso, que tout le monde veut visiter, et à Talca, qu'aucun touriste n'envisage d'explorer.
Alexandre m’écrit…
C'est étrange, à te lire tu donnes l'impression que tous les endroits de la Terre sont joyeux, que chaque coin que tu visites est paradisiaque et que c'est le bonheur pour tous partout. Perso, je lis tous les jours les infos, scrute la presse (de partout ou presque) et je crois que jamais le malheur ne s'est aussi bien porté partout, partout. On ne doit pas avoir la même vision du monde...
Ma réponse…
Je me concentre sur l’anecdote, je n’ai pas les qualifications ni les connaissances pour vous expliquer la crise migratoire vénézuélienne ni la complexité du processus électoral (où la droite, qui refusait de remettre en cause la constitution qui date encore de Pinochet, vient de gagner ce dimanche les élections du conseil constitutionnel et se retrouve, paradoxalement, en pole position pour la rédiger à sa guise). En outre, tu lis partout des mauvaises nouvelles, et donc moi j’essaie au contraire de vous proposer un peu de « happy reading », léger et divertissant. Comme le disait le premier slogan du journal Pilote : apprendre en s’amusant. C’est réellement le reflet de mon regard, amusé et décalé, sur les choses. Appelons cela un reste d’émerveillement…Et enfin, si je parlais des malheurs du monde ça me déprimerait… et vous aussi (encore plus, disons).
Je me suis fait faucher mon iPhone par des pickpockets dans le métro. Comme un gros idiot, j’ai relâché mon attention quelques secondes et hop. Il n’y avait qu’à se servir : il était dans la poche-poitrine de ma chemise. Fede m’apprend l’expression dar papaya qui correspond, grosso modo, au fait de faciliter la tâche des voleurs. C’est exactement ce que j’ai fait…
Pierre rénchérit : « Grâce à mes conseils, tu as franchi la première étape, bravo à toi. Maintenant quand tu vas te présenter chez ce monsieur, surtout reste très poli. Essuie bien tes pieds sur le paillasson, complimente-le pour sa maison. Ça ne sert à rien d'aller énerver ces gens-là. Dis-lui que tu penses que, par mégarde, il a emporté ton téléphone et que, probablement distrait, il pensait que c'était le sien. Ça peut arriver à tout le monde, tous ces appareils modernes ne se ressemblent-ils pas aujourd'hui ? Qu'il ne s'inquiète surtout pas, il n'y a rien avec ça. Eventuellement, laisse-lui un petit pourboire pour l'avoir gardé en lieu sûr en attendant ta visite. Et voilà, tout cela ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir de voyage mais souvent, ceux-ci ne mettent-ils pas un peu de piment dans nos aventures à l'étranger ? Ah, je sens que tu as déjà retrouvé le sourire. A bientôt. »
Chez le glacier, ce dialogue savoureux :
— C’est quoi ça, comme goût ?
— Moka diet !
— Beuh… et ça ?
— Ananas vegan !
— Pffff… vous venez d’utiliser les deux meilleurs arguments arguments commerciaux pour me faire fuir…
— Sinon, j’ai aussi cette glace à la pistache, super grasse et très sucrée !
— PAR-FAIT ! Vous voyez, quand vous voulez…
Je pars quelques jours à Valparaiso. Vincent met la barre assez haut : « J’y suis allé il y a 20 ans mais j’ai été bouleversé par cette ville. » Jean-David en remet une couche : « C’est ma ville préférée ! ». Les gars, vous me mettez un peu la pression…
Le bus de ligne s’arrête le long de l’autoroute pour laisser descendre quelqu’un ❤️
A Viña Del Mar, toutes les rues s’appellent Norte (nord) ou Poniente (Ouest). Les adresses des gens, c’est donc 175, Norde 5 ou 28, Poniente 4.
Lorsque le porte-avions Ronald Reagan a fait escale ici en 2004, ses 6000 marins ont fondu sur la ville. La blague locale est donc que tous les enfants nés l’année d’après s’appellent Usnavy, en référence « au travail de ton papa ».
Moment fort de mon séjour : la visite du port de pêche. Je goûte des trucs, je découvre des poissons de dingue. Lorsque soudain…
Cristian, mon guide ici : « Pour moi, la principale richesse de Valparaiso, ce sont ses fenêtres. Car chacune d’entre elles raconte une histoire différente et inédite. Rentrer chez quelqu’un, c’est découvrir un nouveau point de vue sur la ville, un nouveau récit…» Cristian vous attend ici : Patatourchile.com
J’ai envie d’illustrer cette partie sur Valparaiso avec des photos de mon vieux complice Jean-David Morvan, qui a un bien meilleur appareil que le mien !
Anan, qui vient de Tokyo, nous explique qu’il est assez courant de manger du sashimi de cheval. Cristian réplique qu’il y a quelques années, un candidat de la version chilienne de Master Chef s’est fait virer après avoir préparé un ceviche de poulet.
Je papote avec les employés du cimetière. Seul le cimetière des dissidents (des protestants) est ouvert. Pour l’autre, désolé, « il est fermé pour des raisons de sécurité (?!?!) et il faut avoir un rapport avec le défunt pour pouvoir y accéder. » Donc, je dis, il me suffirait d’assassiner l’un d’entre vous et je pourrais accéder au cimetière ? Et donc lequel je bute ? Et tous de pointer leur doigt vers le même gars en même temps… LUI !
Valparaiso est une ville pleine d’âme, avec une quarantaine de collines (cerros) qui dominent la baie. C’était le port le plus important du Chili et il a gardé un charme incroyable. Je veux me faire enterrer ici. Réponse de Vincent : « D’accord avec toi ! Mais comme disait Albert Cohen : un peu de vie avant beaucoup de mort ! »
J’enchaîne avec deux jours à Talca, trois heures au sud de Santiago, pour faire la connaissance de Jose Ramon (mon factchecker). Toutes les rues sont des numéros. il y a même une rue « 3 et demi ». Sans doute un urbaniste qui avait abusé de l’aguardiente.
Dans toutes les villes, ici comme ailleurs, il y une avenue Alameda (allée des bouleaux). Sans un seul bouleau, bien entendu.
Jose me raconte que pendant le gouvernement Allende, début des années 70, les gens aisés étaient outrés parce qu’on les obligeait à manger du pain complet, « un truc de pauvres ! ». Quelle humiliation en effet.
Une spécialité culinaire de Talca : le completo húmedo. Un bête hot-dog, donc, mais dont le pain est poisseux et humide. L’explication : les vendeurs de rue n’avaient pas de quoi griller le pain et donc ont imaginé de le chauffer à la vapeur. Je n’ai pas osé goûter, mon dévouement pour vous a des limites.
A midi, tous les jours, les pompiers font retentir une sirène. Juste pour dire qu’il est midi. A noter que la même sirène est actionnée en cas d’incendie. Il est donc formellement interdit de déclencher un incendie à midi pile.
A Talca, il n’y a pas grand-chose à y voir ou à y faire. Mais c’est une ville sympathique où il fait bon vivre, un peu au bout du monde. Pour replacer sa ville sur une carte des villes qui comptent, un chapelier avait d’ailleurs appelé son magasin « Talca, Paris & Londres ».
J’ai passé un mois doux et splendide ici. Mais, comme me le dit mon fact-checkeur, “tu as royalement fait 250 km autour de Santiago, il te reste 3750 km de terres chiliennes à arpenter la prochaine fois.” Rendez-vous est donc pris…