DES NOUVELLES DE SAO PAULO 1
Me voici reparti pour 4 mois : Sao Paulo, Recife, Salvador, Rio de Janeiro… pour ensuite changer de langue et passer au Chili. Je vous raconte tout cela par le menu. Bienvenue au Brésil !
A l’aéroport d’Amsterdam, ma porte d’embarquement se trouve à … 27 minutes de marche (c’est marqué). Encore un coup des écolos pour te décourager de prendre l’avion.
Tatiana, ma voisine de cabine, est la quinzième à me dire que c’est dangereux de se balader à Sao Paulo avec son téléphone pour faire des photos. Parce qu’on se le fait dérober direct. J’envisage très sérieusement de devoir retenir par cœur mes quatre mois de voyage sans pouvoir prendre la moindre photo. « Alors, je vous raconte l’image 6534 : sur la gauche, on aurait pu y voir une façade moderniste, avec deux fenêtres entr’ouvertes. A l’avant-plan, un monsieur se balade… » (etc, vous dormez déjà et moi aussi).
Moi, ça fait deux ans que j’ai mis Waze en portugais pour m’entraîner. Par un juste retour de balancier, mon premier taxi a mis son Waze … en anglais !
Mon premier repas ici est un picadinho, de la viande qui a mijoté longtemps dans des légumes. C’est servi avec
du riz
des frites
des patates
des flageolets (les fameux feijoes auxquels il est impossible d’échapper ici)
de la farine de manioc
des galettes de polenta
Pas certain d’avoir eu mon compte en féculents, tiens…
Dans ma cuisine (partagée) de mon appartement (partagé), Danilo lave ses tomates au savon de vaisselle…
Camille m’explique que les gens ici ne savent pas dire non. Histoire d’éviter à la fois le malaise et la confrontation. Donc, ils disent oui tout le temps, même s’ils savent que c’est totalement impossible. Il sera toujours temps d’inventer une excuse bidon en temps voulu…
Camille (elle encore) m’apprend l’existence d’une particularité brésilienne : le complexe de vira-lata (le complexe du chien errant). En gros : une espèce de complexe d’infériorité qui dit que c’est mieux si ça vient d’ailleurs. Nous, les touristes, on commande une bière locale (parce qu’on est ici, et qu’on veut goûter quelque chose de différent) mais les Brésiliens vont préférer une Heineken ou une Stella (beuh). parce que ça vient de l’étranger et donc c’est d’office plus chic. Beaucoup de produits bénéficient par exemple d’un gros macaron IMPORTADO. De même, les produits cosmétiques venus de l’étranger sont parés de vertus quasi-magiques (c’est évident qu’ils sont meilleurs). Si vous avez étudié à l’étranger, vous êtes forcément plus doué. Etc. Sur ce, je vais aller boire une caipivodka (prononcer kaïpivodchka), où la cachaça (le fameux alcool de canne au parfum immanquable) est remplacée par de la vodka. Nettement moins bon, mais tellement plus chic puisque ça vient d’ailleurs.
Le Brésil a été le dernier pays à fabriquer les fameux combis Volkswagen chers aux babas survivants. Résultat : on en trouve encore partout, dans des états de plus en plus déliquescents.
Luca essaie de m’emmener voir une pièce de théâtre. Alors, Luca, comment te dire… Déjà je déteste le théâtre, mais si en plus je ne comprends rien, c’est vraiment double peine, hein !
Mon proprio a un emploi assez prestigieux : il est professeur de droit à l’université. Le soir, il monopolise la cuisine pour fabriquer des savonnettes en forme de bite. Qu’il vend avec succès sur internet. Allez comprendre.
Vous riez, hein. Vous avez raison, c’est bon de rire. Sauf que dans mes très proches, il y a un professeur de droit à l’université. Qui, le week-end, fabrique des bougies en cachette, en partant de vieux culs de bougies qu’il a récupérés partout (même que j’ai pratiqué aussi). Allez comprendre.
Quand il rit sur les réseaux sociaux…
le Français fait HAHAHA
l’Américain fait LOL
le Japonais fait WWW
l’Espagnol fait JAJAJA
et le Brésilien fait soit KKKKKKK (s’il veut dire HaHaHa) soit RSRSRSRS (si c’est plutôt HiHiHi), en fait l’abréviation de “risos” (rires).
C’était pas l’info essentielle de l’année, ça ?
J’ai bu mon premier Guaraná : c’est comme du Red Bull mais en bon. Commentaire de Yves sur ma découverte gustative : “Aarghh , nao bebo desse veneno ! C’est comme du Coca mais avec deux fois plus de sucre. Je préfère la bière. Au fait, la plupart des bières brésiliennes sont belges depuis que Inbev a été absorbé par Interbrew. Les Brésiliens n’adorent pas qu’on les titille sur ce sujet…”
La rencontre avec Olivier / O encontro com o Olivier
L’histoire commence dans une pharmacie. Je suis en train de m’engueuler avec une pharmacienne. En lui expliquant qu’il me faut un anti-moustiques avec au moins 50% de DEET alors qu’elle essaie de me refiler un bête produit avec 30% d’icaridine (hydroxyethyl isobutyl piperidine carboxylate pour les amis). Bref, quasi on s’engueule (j’ai terminé mon doc en pharmacie avec mention en trois mois, vous ne le saviez pas ?) et c’est là qu’intervient un homme élégant, qui parle portugais mille fois mieux que moi et qui, autour d’un café, m’expliquera rapidement qu’on l’appelle « Le boulanger du Brésil ».
Voilà qui mérite un peu d’explications. Garçon, un deuxième café.
Olivier Anquier est arrivé il y 43 ans pour un mois de vacances ici et n’est jamais reparti. Au fil des années, il a été mannequin, a ouvert des boulangeries (il fut l’un des premiers à expliquer aux Brésiliens que le pain ça pouvait être autre chose que ces tranches de mousse blanche sans goût qu’on subit partout), animé des émissions de télé, ouvert des restaurants… Bref, Olivier est une star ici et toutes mes copines n’en reviennent pas que je le connaisse en vrai.
Nous avons continué cette conversation à la terrasse du restaurant qu’il possède dans le centre ville, l’Esther Rooftop. En entrant dans le restaurant, je tombe nez à nez avec des dessins originaux signés Fred, Tardi, Gébé, Edika, Manara, Bernet, Binet… Des dessins qui avaient servi dans le cadre d’une prestigieuse émission de télé dans les années 70. Et j’ai même pu en identifier quelques-uns pour lui, puisque c’est quand même encore (un peu) mon métier. Bref, Olivier m’a enivré jusqu’à ce que je lui identifie tous ses dessins… Une fantastique rencontre que je dois à une acariâtre pharmacienne qui ne jurait que par l’icaridine.
Le plat du jour, dans un resto, on connaît ça. Ici, ça s’appelle PF (pour Prato Feito, ou « plat préparé par la maison », à la différence d’un plat dont on choisit les éléments sur la carte). Par contre, là où ça devient marrant, c’est qu’ici à Sao Paulo, DANS TOUS LES RESTAURANTS, ce sont LES MÊMES PLATS LE MÊME JOUR. Donc, la feijoada, plat national, c’est le mercredi et le samedi. Le poisson, c’est évidemment le vendredi. etc.
Dans les nouvelles stations de la linha amarela, les rames ont des couleurs. Et un écran, sur le quai, renseigne dans quelles rames il y a de la place.
Comme dans chaque ville, je passe un bon moment sur Airbnb à essayer de trouver les propositions d’activités les plus délirantes proposées dans le cadre des Airbnb Experiences. Voici ma moisson pour Sao Paulo. Prêts ?
Desconectar para reconectar. Je dois vraiment traduire ?
Balade créative du silence. 65 euros pour la fermer.
Apprenez à fabriquer des bijoux bio émotionnels. Mmmh.
Construction moderne de bateaux artisanaux. Toujours utile, moi je dis, si la ville est inondée demain avec le dérèglement climatique et tout.
Apprenez à préparer la soupe joumou haïtienne au goût de liberté. wtf.
Auto-conscience et méditation avec l’aide de chevaux. Ce stage n’inclut pas, si j’ai bien compris, l’ingestion de viande de cheval.
Balade à Cracolândia (le quartier du centre ainsi nommé car il est infesté de consommateurs de crack). Voilà une activité joyeuse et positive. Comme disait Martine « On y voit exclusivement des Hollandais qui fument du crack. »
Et à propos de crack, tiens, j’avais rendez-vous avec Charly dimanche midi pour aller explorer le mercado municipal. Entre le métro et le marché (15 min de ), il s’est fait attaquer avec UNE MACHETTE par un gars qui n’avait pas consommé que du guarana (ou alors il avait mal dosé et en avait pris beaucoup trop). Heureusement, comme le type ne sortait pas non plus de la salle de sport, Charly lui a filé un coup de pied, a fait valser l’arme et il a dégagé. Mais bon : gros flip quand même…
La minute du vocabulaire. Constipado = enrhumé. Autant savoir 😅
Hier, au musée, la réceptionniste me demande si j’ai un document d’identité pour prouver mon âge. HEIN ? JE VOUS DEMANDE PARDON ? En fait, elle avait compris que je demandais la réduction senior et elle voulait que je prouve que j’étais assez vieux. Sauf que c’est pas demain la veille, puisque je n’ai que 59 ans et 8 mois, haha, n’importe quoi haha.
Hello, Thierry, c'est cool de te lire! Vivant et marrant! Du Brésil, je n'ai connu que Rio au début des années 90, lors d'une biennale de BD. Ton récit fait remonter à la surface une foultitude d'images, de senteurs et de nuits blanches! Je t'envie et te souhaite beaucoup de plaisir! Kiss de Bruxelles. Dominique