DES NOUVELLES DE SAO PAULO 2
Il y a deux concepts que les linguistes ont oublié de traduire en portugais : HORAIRE et TAPAGE NOCTURNE. Et donc, puisque ça n'existe pas dans leur langue, ici tout le monde s'en tape. Des deux.
Je discute d’homophobie avec Paulo et Vinicius qui m’hébergent, je leur dis que je vois plein de couples gay en rue et donc que c’est cool, non ? Leur réponse est assez narquoise : « Nous habitons dans un quartier « straight-friendly », donc qui respecte totalement les hétéros ! Mais notre quartier est une exception. De manière générale, le Brésil reste une société homophobe, même si ça va mieux qu’il y a dix ou vingt ans. »
Les Brésiliens sont les rois du suremballage. Un citron ? Mais bien sûr, senhor. Et hop, que je te l’emballe. Et si j’achète trois carottes, hop dans un sac plastique. Et puis, bien évidemment, on mettra les deux sacs plastique dans quoi, à votre avis ? Un troisième sac plastique, bravo, je vois que vous suivez. Quand je les arrête, ils comprennent (je ne suis pas le premier à faire mon écolo chiant) mais visiblement ça leur en touche une sans faire bouger l’autre.
Mes moi(s) prochains : allez voir le work in progress pour mes nouvelles têtes. C’est Luc Cromheecke (aka Den Antwaaaarpse Legend) qui est aux manettes. Allez visiter son Patreon où il publie plusieurs fois par semaine des étapes passionnantes de son travail de dessinateur. Vous pouvez même vous abonner et ainsi soutenir le travail de création d’un dessinateur mythique qui a marqué la BD depuis 40 ans (et j’en sais quelque chose, j’ai été son éditeur et même son traducteur du temps de Tom Carbone). Merci Luc !
J’envoie à Pierre les images d’une tornade à Rio.
— Moi : je serai à Rio dans six semaines. D’ici là, ils auront reconstruit la ville…
— Lui : oui, et après tu vas au Chili. Il paraît qu’il y a plein d’incendies là-bas. N’oublie pas ton écran total.
Réaction de Jean-Jacques, quand je lui envoie des photos de ma visite au musée du Dieu du football, il me propose comme titre de cette chronique : « Moi aussi je me chauffe au Pelé ! »
Le Paulista a une utilisation du mot noble (nobre en portugais) qui est singulière. Passe encore pour les parties NOBLES d’un animal (les bons morceaux). Mais quand ils parlent des quartiers NOBLES, ils parlent des beaux quartiers. Comme si seuls marquis et ducs avaient le droit d’habiter dans les parties chic de la ville.
Dialogue de sourd…
Luca : Ok, donc rendez-vous devant le club à 21h…
TT : Ouuuh, c’est tard, dis donc. On peut pas aller plus tôt ?
Luca : Bin… le concert commence à 22h…
TT : euuuuh… mais je vais coucher moi à cette heure-là…
Luca : 🤷♂️🤷♂️
#JeSuisEncorePlusVieuxQueJePensais #NouveauConceptLaSiesteA19hAvantDeSortirC’estCool
Deuxième tentative. Arrivé au concert à l’heure prévue. 21h. La salle est vide. « Ooooh, sans doute dans une heure trente”, me dit le préposé (Luca, lui, se pointe à l’aise à 23h, lui il sait). Trois heures plus tard (minuit), ça a commencé… Trois heures trente plus tard, je rentrais dormir, évidemment…
Pour gérer les entrées d’un club de jazz dans le centre de Sao Paulo, il faut d’ailleurs avoir fait HEC. Avant 21h, c’est gratuit. 15 RS (3 euros) pour les 30 premiers clients. 25 RS en prévente. 30 RS jusque minuit. 35 RS après minuit…
Après que je réponde tout le temps « TOP ! » à leurs messages (un de mes tics de langage), mes colocs m’ont demandé si j’avais des penchants masculinistes. Euuuuh je crois pas non. Et donc voici : l’interjection TOP a ici été récupérée par ceux qui s’appellent eux-mêmes « les hétéro-top ». Ce sont les joueurs de foot qui ont lancé la mode. Maintenant, ce mot est utilisé pour définir des gros machos arrogants, misogynes et violents, qui adorent les grosses bagnoles, les grosses montres et qui veulent que tout le monde sache qu’ils ont un très gros kiki. Je recherche donc d’urgence un autre tic de langage. Help !
Je viens d’arriver et ma peau ressemble à un gros steak attendri, tant je me fais surpiquer et sucer par des escadrilles entières de moustiques sanguinaires. Aux grands maux les grands remèdes :
je m’oins (eh oui, ça existe : tu t'oins, il s'oint, nous nous oignons, vous vous oignez, elles s'oignent) d’icaridine à 30% (voir l’envoi précédent)
je me brûle au 3e degré avec BiteAway, qui m’assure qu’en me cramant la piqûre à 51°, ça dilue le venin du moustique
je me suis acheté une moustiquaire, comme dans Tintin. Et ne comprends toujours pas comment un moustique s’est retrouvé à l’intérieur. Inutile de dire qu’il s’en est mis plein les babines, il était seul au buffet « all you can suck »). Quand, pantelant, je l’ai finalement écrasé, je crois qu’il m’avait déjà pris deux bons litres…
Et maintenant, un peu de vocabulaire…
Le « pain français » ici c’est juste… du pain, soit un horrible truc industriel mou et blanc. Pour rappel, en Belgique, le « pain français » désigne une baguette ! Les noix du Brésil, bien connues chez nous, s’appellent ici des « châtaignes du Para » du nom de cet état du nord du pays d’où elles sont originaires.
Après avoir menacé de démissionner, mes factcheckers Jurek et Francis m’ont fourni une explication historico-culinaire à la feijoada : “Ce plat national du samedi est à la base un plat d'esclave. Ils recevaient les abats jetés par leurs maîtres (pieds et oreilles de cochon) et ils les faisaient mijoter dans les haricots noirs. C'était leur plat de fête... De nos jours, même si beaucoup de Brésiliens aiment y retrouver ces abats de dernière catégorie, on a tendance à y ajouter des morceaux de saucisson, voie de morceaux plus nobles. Mais la recette de base ne fait évidemment qu'amplifier l'aspect que tu décris plus haut...”
Je marche tranquille sur la grande avenue Paulista, noire de monde. Un gars m’aborde. « Alors, comme ça on se promène ? » Je suis un peu sur mes gardes, me demandant s’il en veut à mon argent ou à ma dignité. Jusqu’à ce qu’il m’explique qu’il voyait que j’étais un touriste.
— Ah et euh à quoi vous voyez ça ?
— Bin… la chemise qui ressemble à rien. Le short bof bof. Et les deux qui ne sont pas coordonnés. Vous voyez quelqu’un d’autre habillé comme ça ici, vous ?
Un grand moment de solitude, folks.
Au supermarché, bon nombre de produits alimentaires sont « tipo » (de type). Fromage tipo camembert. Fromage tipo Saint-Paulin. Jambon tipo Parme. Intrigué, j’ai demandé à un pro de la restauration ce qu’il en était : “ Cette expression tipo, c’est à la fois la référence à un produit que tout le monde sait d’origine étrangère, mais aussi la fierté de pouvoir dire qu’il est fabriqué ici au Brésil ! ”
Cette année, premier carnaval « complet » depuis trois ans. Ça va guincher sec. J’ai eu la chance d’assister à deux ensaios, des répétitions du carnaval au Sambadrome, une gigantesque allée en béton dessinée par Oscar Niemeyer (530 m de long, 14 m de large, 30 000 places) qui ne sert qu’à un truc : accueillir, quatre nuits durant, toutes les écoles de samba qui ont préparé le défilé. Et même si ce n’était qu’une répétition (avec les costumes de l’an dernier), c’était dingue et super émouvant en même temps. Chaque école de samba compte quelques milliers de membres, c’est super inclusif (des enfants au 3e âge en passant par les moins valides et j’en passe) et c’est clairement l’aboutissement un travail social de quartier qui se déroule à l’année. Chaque fois, il faut une nouvelle chanson, des nouveaux habits, et les répétitions durent toute l’année, ce qui explique le degré de perfection. L’endroit, étonnamment, ressemble assez fort à la ligne droite d’un circuit de F1 devant les tribunes.
Jurek complète : “Si ce carnaval est systématiquement médiatisé en TV dans le monde entier, il ne l'est bien souvent que par le cliché d'une sculpturale danseuse se trémoussant en bikini (en réalité : la reine de la « bateria »)… Or, chaque défilé constitue une sorte de revue politique, sociale, culturelle de l'année, avec des références historiques, les différentes histoires que racontent chacun des chars successifs de l'école, etc. Il est essentiel, comme tu l’as fait, d’assister à ces célébrations en compagnie de Brésilien.ne.s, qui pourront t'expliquer la multitude de références dont sont truffés les chars, les décors, les personnages etc., et qui ne sont souvent perceptibles que par les Brésiliens. C'est très souvent politique et culturel. Et c'est là que tu comprends la richesse de ces défilés qui, aux yeux de spectateurs non avertis, passent seulement - si j'ose dire - pour un chatoyant défilé de costumes et de danses.”
Merci Jurek. Ma sœur trouve quant à elle qu’il y a trop de soutifs dans mon clip. A ma décharge, je l’ai tourné et monté avant que Jurek ne me nuance la chose).
L’Américain dit « Oh My God » (un homme)
Le Français jure « Bon Dieu » (encore un homme)
et le Brésilien, lui, dit “Nossa !” C’est une abréviation pour Nossa senhora aparecida, la sainte vierge. Et donc le Brésilien, lui, invoque UNE FEMME !
Nossa !