DES NOUVELLES DE SAO PAULO 3
Il y a plus d’héliports à Sao Paulo qu’à New York City ! Et Sao Paulo est la ville du monde… où il y a le plus d’hélicoptères. Pas certain que ce soit vraiment une raison de se la péter, mais voilà...
AVANT TOUTE CHOSE UN DÉTAIL TECHNIQUE IMPORTANT : il semble que les images de cet envoi-ci ne s’affichent pas toujours du premier coup. Si vous voyez un grand blanc dans le texte, c’est qu’il y a une image, n’hésitez pas à cliquer dessus pour la faire apparaître. Allez, c’est parti.
Note to self : ne PLUS JAMAIS jamais démarrer une conversation sur Lula et Bolsonaro ici, c’est vraiment trop clivant. Et après tu ne sais plus quoi faire pour t’en sortir. Je me suis entendu dire pour sortir de l’ornière : « Bon, on va changer de sujet, je vais à présent vous parler du roi des Belges ! », un sujet sur lequel aucune de mes deux interlocutrices n’avait évidemment d’avis. Ouf. Et je dois définitivement arrêter de me dire que tous les gens que MOI je trouve sympa sont d'office dans le camp de Lula. C’est beaucoup plus compliqué que cela.
Vocabulaire : « sair a francesa » est bien évidemment la traduction locale de « filer à l’anglaise »
Alors ce qui suit est le truc le plus énigmatique (et crucial, vous l’allez constater) que j’aie vu depuis que je suis arrivé. Je vous montre.
Ça dit, grosso modo :
fait spécialement pour les besoins de votre chien
matériel stérilisé
incite à faire pipi
en vente dans les meilleurs kiosques à journaux de Sao Paulo
Il y a deux manières de profiler cet étonnant produit :
ce sont des invendus de la presse quotidienne qui sont ainsi recyclés en litière pour chiens. J’incite mes anciens collègues de la presse quotidienne à faire de même, enfin un développement éditorial prometteur. Auquel cas le coup de la stérilisation (juste un journal… non lu donc) relève du génie du marketing.
Il semblerait par ailleurs qu’il y ait également eu des éditions spécialement imprimées sur un papier destiné à nos petits compagnons, ce qui permettait deux usages successifs : des articles sur les chiens — destinés aux maîtres — et ensuite ça servait à torcher les toutous — mais pas les maîtres, si j’ai bien suivi.
Je crois que rien ne m’horripile plus que les jeunes (et les moins jeunes, c’est encore plus embarrassant) qui s’adressent à leurs amis Facebook en leur disant « Les gens… » Par contre en portugais ça fait partie du langage courant quand on s’adresse aux autres : “Gente !” (Les gens, donc !)
Dans le panthéon des Brésiliens :
Santos Dumont, l’inventeur de l’aviation (il ne faut pas leur parler des frères Wright, ces gens n’ont jamais existé, en fait)
Pelé, l’inventeur du foot moderne (Bon, ok, lui il est hors catégorie)
Ayrton Senna qui, même décédé, continue de faire courir les foules là où il est enterré…
Elis Regina, la chanteuse dont les Paulistas continuent à parler au présent (« Elle chante de mieux en mieux ») alors qu’elle est décédée en 1982…
Antonio Carlos Jobim, hors catégorie lui aussi…

C’est cool d’être vieux : dans le métro, les sièges prioritaires nous sont VRAIMENT réservés et les gens se lèvent dès qu’un débris comme moi entre dans la rame. Bon, je mens allègrement puisque je suis encore très loin des soixante ans que je n’aurai que dans 92 jours, pffff mais rien à voir quoi. La question cruciale devenant : quand je vois quelqu’un d’encore plus vieux que moi, est-ce que je me lève ? Et est-ce qu’il ne va pas le prendre mal ? Ou bien vaut-il mieux que je me replonge dans l’observation de mes lacets ?
Je viens de passer une journée avec quelqu’un qui m’a dit, le plus sérieusement du monde : « Je suis medium psychosonique. » Ouffff, c’est du lourd. Renseignements pris, cette personne appartient à l’église spiritualiste ou spiritiste (Igreja espirita, dont j’apprends bien évidemment l’existence). Vous savez, Allan Kardec et tout ça. Durant ce même trajet, j’ai tout appris sur Chico Xavier, le grand médium brésilien, « qui a écrit 450 bouquins et psychographié environ dix mille lettres, sans jamais rien faire payer au destinataire » (je traduis sa fiche Wikipedia, hein). Je ne suis pas certain d’être le mieux placé pour parler des religions au Brésil (il y en a plein !!!) mais je voudrais juste signaler pour le salut de mon âme que je suis entré par hasard dans « une église gréco-catholique melkite pratiquant le culte byzantin ». Ce qui m’a laissé quelque peu interdit. Détails sur les églises brésiliennes pour ceux qui veulent.
Aujourd’hui j’ai rencontré mon premier trichologiste. A vos méninges, réponse plus bas.
En train d’échanger sur nos patrimoines musicaux respectifs avec Marta, Gerson et Luca. A un moment, à court d’arguments après avoir balancé Stromae, Plastic Bertand et Jacques Brel, je lance fièrement Dominique de Sœur Sourire, seul numéro un belge au hit parade US. Gerson réplique … avec la version brésilienne de cette même scie ! Sauf que là où Sœur Sourire parlait de la vertu de Saint-Dominique (un homme), sa reprise par la chanteuse Giane est un peu plus orientée. En gros, Dominique (une jeune femme) attend, impatiente, son fiancé qui n’arrive pas. Elle s’impatiente. Et finalement elle décide que Dieu fera mieux l’affaire, en plantant là le jeune hobereau. Dieu gagne dans les deux chansons, cela étant.
J’ai coucouté la famille de Diego. Diego, c’est mon prof de portugais. Je ne l’ai jamais rencontré en vrai, il vit à Lisbonne et il m’a donné une heure de conversation depuis un an par Whatsapp. Sachant que j’arrivais, il m’a filé le contact de sa famille, qui m’a quasi adopté. Et figurez-vous qu’il y a ici un dicton qui dit grosso modo « Qui va au Portugal perd sa place. » Dont acte et preuve en vidéo.
Un trichologiste, donc, c’est un spécialiste du cuir chevelu. Un peu comme les marabouts africains, il m’a promis de faire repousser mes cheveux, de m’aider si je trouve que mes cheveux (MES QUOI ?) manquent de tonus, de faire revenir l’être aimé (non, là j’invente). Et il m’a montré à quoi ressemblait mon cuir chevelu. On notera enfin qu’un trichologiste n’est même pas foutu de faire une bête mise en plis hein...
Les Brésiliens font le meilleur jus de fruit du monde. Dommage qu’ils y rajoutent quasi systématiquement du sucre. Pour rappel, il y a déjà PLEIN DE SUCRE dans les fruits, gente !
Il y a une grosse immigration japonaise au Brésil (genre 2 millions), et le quartier de Liberdade abrite carrément la plus vaste communauté japonaise hors du Japon. Ils sont essentiellement actifs dans l’agriculture mais aussi dans des activités commerciales en ville. Le quartier est rempli de trucs improbables (genre des magasins de sabres !) et, le dimanche, une foule bigarrée s’y presse, faite de Japonais (bin oui), de touristes, de fans de culture manga et cosplay… Très amusant, et ça change des sempiternels quartiers chinois qu’on retrouve dans toutes les villes.
Je vais donc, à, regret, quitter Sao Paulo pour aller dans le Nordeste et quitter une ville plutôt blanche pour un univers beaucoup plus afro, une autre cuisine, bref, je pars à l’aventure (Recife, Olinda et Salvador). Le troisième tiers de mon voyage sera consacré à Rio. Aaaah, enfin, diront certains. Je voudrais terminer par cette belle comparaison entre Sao Paulo et Rio de Janeiro :
Rio a été dessinée, il y a très longtemps, par un démiurge langoureux et même engourdi. São Paulo est faite de main d'homme. Rio s'est seulement déposée dans un décor alors que São Paulo a été obligée de se faire naître elle-même. Rio est une ville paresseuse. Le paysage était déjà en place. São Paulo a un destin de prothèse, de machine-outil, de fumée d'usine, d'entrepôt, d'amiante ou de bielle. Elle est moche, chaotique, elle est de guingois, elle ne sent pas très bon. Elle pue le goudron, l'huile, le béton. En plus, elle n'a pas le temps. Pour le temps, les gens de Rio sont des nababs. Ils ont des heures à n'en plus finir, des secondes aussi. Ils ne savent plus qu'en faire. Ils s'efforcent de les consommer, par exemple en sommeillant toute la journée, au bureau, sur les plages, dans les cafés, dans le corps voluptueux des jeunes filles, dans la rue même. São Paulo est au contraire. La grosse cité n'a pas une minute. Même la nuit, elle n'a pas le loisir de dormir ou bien elle dort debout. Quand la fin du monde viendra, Rio de Janeiro témoignera de la puissance des dieux. São Paulo parlera du courage des hommes.
Extrait du Dictionnaire Amoureux du Brésil, Gilles Lapouge, Plon.
A propos de São Paulo, j'écoutais justement ceci en te lisant : https://youtu.be/VS-q5Q_RJOk