DES NOUVELLES DE TOKYO #1
C’est parti pour trois mois au pays de Naruto, des ramen et de ces @#%* trois alphabets différents, vous croyez vraiment que j’ai que ça à f
A l’aéroport au bureau de change. Bonjour, je voudrais des yen. « Des yen. Pas de soucis, monsieur. » Ici un long silence, un regard vide et ensuite la personne reprend : « Des… yen pour le Japon, Monsieur ? »
La torture chinoise a débuté sur Hainan Airlines. Ils passent des reprises de Richard Clayderman et de Dolannes Melody. DES REPRISES. Les originaux étaient sans doute trop punk ?
Le transfert à Pékin était un peu compliqué. Dans l’avion, ils ne savaient pas très bien si je devais remplir les documents d’immigration. Mais je ne rentre pas en Chine, c’est juste un transit. Bah, euuuuh, remplissez-les quand même, à tout hasard, on sait jamais… Sur place, il est 5 heures du matin, je suis docilement l’indication TRANSIT et j’aboutis dans un couloir sombre, sans issue… Il me faut 20 min pour trouver quelqu’un. Qui ne parle évidemment pas anglais (or, mon mandarin n’est plus ce qu’il était). Finalement, on s’est retrouvés à quelques-uns, aussi perdus les uns que les autres. Après une demi-heure à errer, on voit débouler une dame qui « recherche les passagers en transit ». On se retrouve à subir une fouille corporelle trrrrès minutieuse en passant et repassant sous des portiques de sécurité qui sont tellement mal réglés qu’ils bipent même lorsque personne ne passe dessous. Pour enfin retrouver une salle d’attente NORMALE et un avion qui allait démarrer. L’affaire s’est terminée normalement, c’en était presque décevant.
Allez, c’est parti cette fois !
Pour trouver un logement ici à Tokyo, j’ai pas mal ramé. Hôtel ? Impayable : 2500/3 000 euros/mois pour des trucs pas top. Chambre chez l’habitant : même genre de tarif. Je me suis donc rabattu sur un business typiquement japonais : les shared houses. Des maisons partagées (des colocs, donc, chacun sa chambrette et tout le reste en commun) où on vous assure un public « mixte » (mélange de Japonais et d’Occidentaux). Il y a tout un dossier à remplir et j’ai essuyé quelques refus.
REFUS 1 : Aaaaah, vous avez plus de 30 ans, ça va pas être possible !
REFUS 2 : Roooooh, Thierry c’est un prénom masculin en fait ? Désolé, on ne prend que des femmes, ici.
REFUS 3 : Aaaaah, vous avez plus de 39 ans, ça va pas être possible !
REFUS 4 : là c’est moi qui ai décliné car il n’y avait que des Occidentaux dans la coloc.
Voici ma shared house. Je vous préviens, ça envoie du rêve. Et en terme de public mixte, eh bien il y a des Français, des Français, encore quelques Français au 6e et là…. oui, c’est bien ça, des Lyonnais. Mixte, donc. Toutes et tous très sympa par ailleurs. Profil : jeunes (25 ans), travailleurs ou étudiants, souvent ici pour de longues périodes (6 mois, un an voire davantage). Un dernier détail : j’aurais pu réduire les frais (environ 600 €/mois) en optant pour une chambre… semi-private. Euhhhh… Eh bien ça veut dire qu’on partage sa chambre avec quelqu’un d’autre. Trois mois à devoir partager mes 10 m2 et mes/ses ronflements, euuuuh ça n’allait pas être possible, désolé.
Premier repas dans une gargotte du quartier (quatre tables, attention à ne pas se perdre). Le chef me demande si je veux du riz ou des nouilles. Je voulais des nouilles mais je ne savais dire que « riz » en japonais (à prononcer 米). Et donc du riz ! Master chef ici : je suis parvenu à prendre mon premier repas japonais… dans un resto thaï !
Dans la plupart des villes du monde, , tous les bâtiments sont collés les uns aux autres dans une rue. Ici, elles sont séparées par un espace d’environ 50 cm. C’est lié aux normes sismiques, assez strictes ici. Mais aussi au fait qu’une maison est quelque chose qui n’a pas trop de valeur (seul le terrain en a) et donc qui, tous les 10/15ans, est susceptible d’être détruite pour être remplacée par une demeure plus moderne. Ce jeu de destruction/construction perpétuel étant plus compliqué si les maisons se touchent. Chaque construction n’étant pas égale face aux catastrophes naturelles, l’absence de mur mitoyen évite également de devoir reconstruire toute la rue en cas de secousse.
Dans certains restaurants, la bande-son c’est carrément du free jazz. Le genre de truc qui a fait fuir mes petites amies depuis 40 ans.
Le distributeur d’argent émet un petit bruit extrêmement satisfaisant quand on retire du cash. Genre que tu as gagné au loto ou que tu es passé dans un niveau supérieur de MarioBros.
A Shinjuku, on passe devant une pub pour un bar à hôtes, le pendant masculin d’un bar à hôtesses. D’élégants jeunes hommes y ont pour rôle de tenir compagnie aux clientes féminines en leur proposant boissons et conversation. Rien de plus, c’est très convenable comme ambiance. Je m’étonne de leur look très féminin et Anan m’explique qu’il correspond aux canons de beauté en vigueur chez les Japonaises.
J’explique mon boulot au même Anan. Pour illustrer, je lui montre Astérix, Les Schtroumpfs et Tintin . Sa réaction amusée : « Mais on dirait toujours le même personnage. » Je lui avoue que j’ai la même réaction face aux mangas. Comme quoi, notre culture visuelle nous formate pas mal, d’où qu’on vienne…
« Je parle toujours en français à mes enfants, sauf quand je veux les engueuler. »
Thibaud, marié à une Japonaise.
Le paradoxe de la cigarette : ici, on peut fumer dans plein d’endroits à l’intérieur. Mais pas à l’extérieur. Ou alors seulement dans certains endroits bien délimités.
« Si mon compagnon connaissait aussi bien le corps des femmes que les caractéristiques des matériels audiovisuels, ce serait un bonheur », se désolait une jeune fille citée dans un ouvrage intitulé Le Livre blanc de notre sexualité. (Dans Les Japonais, Karyn Nishimura-Poupée, Tallandier)
Anan m’emmène manger mon premier okonomiyaki. Il y a tellement d’ingrédients différents que ça explose en bouche. J’ai par contre échappé au monjyayaki qu’il décrit lui-même comme « ressemblant vraiment à du vomi ».
J’essaie quelques mots en japonais et la serveuse ne me comprend pas et semble même un peu distante. Mon convive m’explique que je parle trop fort (too loud) et que cela peut être perçu comme de la colère envers elle. En Europe, mes amis me disent juste que j’emmerde mon monde parce que parle trop fort au restaurant. Comment dit-on chuchoter en japonais ?
Les instructions pour les poubelles sont pour le moins… confuses. Ma sœur n’est pas d’accord. « Ça a le mérite d'être au moins clair sur un point : tu ne peux pas mettre ta TV dans le sac poubelle avec les restes de repas ! »
Justement. Premier truc dingue à Tokyo : il n’ y a PAS UNE POUBELLE dans cette mégalopole. Et pas un papier par terre non plus. Comment on fait ? Eh bien c’est simple : chacun ramène ses ordures chez lui où il a, comme je viens de vous le montrer, 67 poubelles différentes pour tout bien recycler. Thibaud précise : “ L'absence de poubelles dans les rues est le résultat d'une volonté de maîtrise des dépenses locales. La gestion des poubelles relève des arrondissements et non de la ville, et le montant de l'impôt local n'est donc pas le même d'un quartier à l'autre. Et quand tu habites dans un quartier très touristique, tu n'as pas envie que tes impôts augmentent à cause des gens qui laissent leur détritus derrière eux. Idem pour la cigarette et les cendriers dehors.”
Je vous présente donc Thibaud, mon fixeur local, qui tient la seule librairie de BD franco-belge ici à Tokyo. La prochaine fois que vous passez par ici et qu’il vous manque un tome de Blacksad, venez visiter ce splendide endroit qu’il gère avec son épouse.
Pour terminer provisoirement sur le sujet des ordures : au sanctuaire shintoïste Meiji Jingu, j’ai vu… une poubelle à vieilles amulettes !
Au marché aux poissons, la guide parlait des trois types de restaurants au Japon en commençant par le Michawan. Je cherche en vain sur internet les caractéristiques de ces établissements. Il m’a fallu un certain temps pour comprendre qu’elle parlait des restaurants étoilés par le Michelin…
La photo qui suit est celle d’une campagne anti-drogue, même si ses deux protagonistes ont l’air de ne pas avoir consommé que de la poudre de thé vert. Il s’agit de deux comiques spécialisés dans le manzai (漫才) est une forme de comédie qui implique généralement un duo comique : le tsukkomi, le personnage sérieux, intelligent, rationnel, et le boke, le personnage fruste, outrancier et désordonné.
Bon, je pensais très honnêtement arriver à m’en tirer avec le japonais (ma sixième langue, quand même). J’ai vite déchanté, c’est juste excessivement difficile. D’après un article dans The Economist, les Américains rangent les langues en quatre groupes en fonction du temps d'apprentissage full-time nécessaire pour leurs diplomates.
Groupe 1 (fastoche, 24 semaines) : français, espagnol, italien, suédois, norvégien…
Groupe 4 (ultra-hard, 88 semaines) : cantonais, chinois, coréen…
Je vous apprends donc que je n’ai plus aucune ambition de devenir un diplomate américain.
J’avais deux fantasmes avant d’arriver : écouter Pizzicato Five dans le métro de Tokyo et prendre le Shinkansen (je vous raconterai ça la fois prochaine). C’est bon, j’ai fait les deux, je peux rentrer.
Oh, allez non, en fait. Je m’amuse trop. A très bientôt pour la suite de mes aventures tokyoïtes !
Hello Thierry, de tous les pays que j'ai fait, le Japon est celui qui m'a le plus interloqué ! Have fun mon gars. La bise.
Top Merciiiiiiiiiiii
... si je peux me permettre tu vis dans le trou du cul du monde au quasi bout d’une ligne de métro dans les faubourgs Ouest, right ?
Biz