DES NOUVELLES DE TOKYO #4
Dans les supérettes 7 Eleven, on peut se faire envoyer sa valise n’importe où au Japon et donc voyager léger, vos bagages vous attendront là où vous prévoyez d’aller. Vous arrivez quand, déjà ?
Question qui m’est fréquemment posée : « Comment ça se passe après un mois et demi dans un pays dont tu ne parles pas la langue ? » Au début, je m’inquiétais de tout dès qu’on disait un truc, je demandais de répéter, j’étais désolé, je disais que je ne comprenais pas, je me confondais en excuses, je me traitais quasi de misérable vermisseau (non, là, j’exagère ça doit être une référence BD). Maintenant, je laisse les gens parler et, de temps en temps, j’opine du bonnet pour qu’ils sachent que je ne suis pas mort. Et tout va bien, merci.
Une petite anecdote alimentaire, pour changer ? Je pars en train à Hakone (sources thermales) et je m’achète le traditionnel bento (plateau repas) pour le voyage. Miam, ça a l’air bon (sans avoir la moindre idée de ce que j’achète, bien entendu).
A ce propos : « On prétend qu’à trop manger de bento achetés dans les supérettes, à la mort le cadavre ne parvient pas à se décomposer tant il est bourré de conservateurs utilisés à profusion pour les garder aussi longtemps que possible en rayons.” (Richard Collasse, Dictionnaire amoureux du Japon, Plon)
Mon court séjour à Hakone aura concentré toutes mes mauvaises humeurs. Voilà, j’ai râlé pendant un jour entier, c’est bon pour tout le reste du voyage.
Je ne comprends rien à ce qu’on me raconte. Et inversement.
J’ai fait deux kilomètres à pied dans le mauvais sens en merdouillant avec Google maps. Du coup, ça me fait 4 km à faire dans l’autre sens.
Il faisait froid et j’avais oublié ma veste à Tokyo.
Impossible de faire rajouter un petit-déjeuner pour le lendemain. C’est pas comme si c’était un hôtel pourtant… Ah bin si, tiens, en fait !
Au onsen, on m’oblige à enfiler des pantoufles taille 35. Super seyant. Je n’ai pas du tout l’air ridicule. Ah bin si, tiens, en fait !
Au onsen, les bains étaient trop chauds, pas moyen de rester dedans.
La réceptionniste de l’hôtel n’arrive pas à situer son propre hôtel sur la carte du bled.
Dans ma chambre traditionnelle « ryokan », je devais m’asseoir par terre sur une chaise sans pieds (une sorte de L en bois), vas-y pour voir.
Le futon, c’est vraiment très très très dur, hein.
Voilà, c’est bon, c’est fait. Maintenant je ne serai plus que lumière et sourire béat jusqu’à la fin du séjour.
« Ce midi, on va manger dans une secte ! » Cette annonce de Delphine a fait ma journée, vous vous en doutez. Hahaaaaa, moi le grand pourfendeur des Moonistes et autres scientologues, on allait voir ce qu’on allait voir. Notre sectosenseur était réglé sur 10. Nous partons manger dans la secte Rissho Kosei-kai.
On se dirige, l’air de rien et en sifflotant, vers la cafète. Tiens, pas de wifi gratuit ! « Pourtant, persifle Delphine, si je voulais attirer de nouveaux adhérents, le premier truc que je ferais ce serait d’installer un wifi gratuit, non ? »
La nourriture est excellente. Hum, c’est suspect. Ils cherchent visiblement à nous fidéliser. Ensuite, on a INSISTÉ pour aller dans les bureaux et qu’on nous fasse une présentation détaillée de la secte. Ils nous ont offert une bouteille d’eau. Hum, c’est suspect, ça non ? Ils ont essayé de nous empoisonner, oui.
En fait, non. C’était juste de l’eau. Même pas empoisonnée, pff.
Etc, etc. Nous avons passé notre temps à essayer de dénicher une secte là où il n’y en a apparemment pas, aveuglés par notre conception occidentale du mot “secte”, qui est ici un équivalent de Nouveau Mouvement Religieux. Cette branche moderne et laïque du bouddhisme (qui en compte beaucoup) n’a visiblement rien à se reprocher, désolé (à part son mauvais goût architectural). Cette histoire a remporté le grand prix de l’Anecdote Finalement Complètement Décevante 2023.
Dans le quartier de Hatagaya, l’association des commerçants a eu une idée géniale pour Halloween. Un formulaire est remis à tous les enfants déguisés. Il leur suffit de faire la file (longuissime) devant chaque magasin pour recevoir des bonbons (et un cachet sur le papier). Du coup, y font quoi, les parents, vous croyez, pendant que les enfants font la queue ? Eh bien les checkent les magasins, tiens !
Succès garanti pour mon mon nouveau jeu. Tiens, ce magasin, à ton avis c’est quoi ?
— Un laboratoire d’analyses médicales !
— Non : un bureau de comptabilité !
A ce moment seulement, on sort l’appli Google Traduction et on vérifie.
— Oh, une « pharmacie d’ordonnances d’assurances ».
Ah euh d’accord. Ça se voit pas hein (fait celui qui sait exactement à quoi doit normalement ressembler une pharmacie d’ordonnances d’assurances).
La volupté de l’attente et du temps perdu. Hier, en goguette, nous étions entrés dans un établissement et j’avais commandé un simple café. Après 1/2 h et devant un patron visiblement débordé par les commandes des trois (3 !) clients, nous avions renoncé. J’ai remis le couvert ailleurs, seul, au soleil, avec mon livre et tout le temps du monde. Et j’ai profité du temps suspendu, dans ce petit quartier sans néon criards ni magasins, avec des maisons en bois d’un étage, où il ne se passe strictement rien. Et c’était bien.
Un autre extrait du même dictionnaire amoureux (passionnant), dans un chapitre consacré au taux de natalité ici au Japon : “Une chute spectaculaire fut enregistrée en 1966 avec moins de 14 naissances pour 1000 habitants, un taux de natalité de 1,58 dû aux auspices néfastes du calendrier lunaire chinois selon lequel les filles nées durant cette année du Cheval Hinoe Uma se reproduisant cycliquement tous les soixante ans mangent les mâles. Ou de l’influence des superstitions sur les grands mouvements de l’humanité !”
Lors d’un festival de rock garage à Shunjuku, je demande à ma voisine (française) si la personne derrière la batterie est un homme ou une femme. La réponse cingle : « C’est le genre de questions qu’on ne pose plus en 2023 ! » #TuSaisCeQuilTeDitLeGrosBoomer?
Quand on regarde les gens écrire sur leur smartphone dans le métro, là aussi c’est différent de chez nous. On a l’impression qu’ils font des zig zag avec leurs doigts. En fait, les Japonais ont trop de signes pour le clavier. Donc chaque touche ouvre un pop-up en étoile pour quadrupler le choix… D’autres préfèrent utiliser un clavier qwerty. Ex : densha = train. Ils tapent donc d.e.n.s.h.a et le convertisseur japonais fait apparaître la graphie japonaise automatiquement
Dans les smoking areas, on trouve systématiquement un stand avec un vendeur de vapoteuses. Certaines aires sont d’ailleurs exclusivement réservées au tabac liquide, donc toi, avec ta clope qui pue, tu te trouves UN AUTRE endroit pour aller fumer que les endroits pour aller fumer, d’ac ? Et que je n’y reprenne pas.