DES NOUVELLES DE TURIN
Bienvenue dans la ville qui nous a offert la Fiat 500, la Juventus, les Gianduja, le vermouth, les grissini et la truffe blanche. Sans oublier le Saint-Suaire pour s'essuyer la bouche juste après.
Dans le TGV entre la France et l’Italie tu sais que tu es vieux quand
— tu te la pètes en première classe avec un Interrail (10 jours de voyage à utiliser d’ici deux mois, 400 boules).
— tu te rends compte que tous les autres vieux ont eu la même idée et ont choisi le même forfait que toi (ah, vous aussi ?)
— tous les autres passagers sont aussi vieux que toi (voire encore pire, pour autant que ce soit possible)
— on s’aide les uns les autres à porter nos valises
— c’est limite s’ils ne vendent pas de couches-confiance au bar en voiture 4. Et bien entendu tu t’inquiètes de savoir s’ils ont bien prévu, dans les sanitaires, des gobelets pour rincer son dentier.
Commentaire de Benoît : “moi je sais que je suis vieux si je prends le train pour aller en Italie… un jeune prendrait l’avion !”

Je ne m’en rendais pas compte mais je fais (encore) partie d’une race de pionniers : les curieux qui veulent passer du temps à Turin. « Nos premiers touristes ont débarqué grâce aux jeux olympiques de 2006 », me glisse-t-on. A cet instant précis, froncement général de sourcils chez mes 472 543 lecteurs et trices : « Ah bon, il y a eu des jeux olympiques à Turin ? » #OuiMaisCétaitLesJeuxD'hiverAlorsÇaComptePasVraiment
Turin est souvent considérée, chez les non-curieux, comme une « ville industrielle ». Alors que, plus exactement, c’est une splendide ville bourgeoise qui doit son opulence à l’industrie. Les rues regorgent de palazzi, de tournicoteries baroques et autres immeubles de haut standing. Plein les yeux du matin au soir.
Et ton italien, alors ? Bon, sujet délicat. Je suis entouré de gens hypra-cultivés qui parlent plein de langues. Et donc, quand ils en ont marre d’écouter un enfant de deux ans et demi faire 56 fautes par phrase, ils proposent gentiment de passer à l’anglais, à l’espagnol, au français… Enrica est chercheuse en histoire ; Alberto est artiste lyrique, professeur d’université et metteur en scène d’opéra, il a créé une école d’écriture avec Alessandro Baricco, un local de l’étape. Emilio est avocat, auteur, musicologue et me précise que je mange à la même table qu’Italo Calvino (mais pas en même temps). Bref, c’est compliqué de converser avec ces beaux esprits dans une langue que je ne maîtrise qu’à 8,3%. Devant mon appli, tout va bien. Mais une fois dans la vraie vie, les mots refusent obstinément de sortir de ma bouche dans le bon ordre.
Alberto est également le patron d’un festival de théâtre. J’ai mis quelques jours à lui avouer que je détestais le théâtre, de peur de me retrouver à loger dans la cave.

Les soirées gay du Nasty club ici à Turin s’appellent BANANAMIA. Respect. Pas mieux.
Ici, les Carrefour Express ferment … 2h30 en milieu de journée. Cette information ultra-utile vous est offerte gratuitement par Le Guide du Retard, l’organe officiel des horlogers italiens.
Dialogue vécu.
Moi : Scusi signore. Dov’è il métro ?
Le gars : ???
Moi : grrr… Dov’è LA métro ?
Le gars : Oh, juste derrière le coin…
Le slogan de la ville : TORINO LET’S PÔ ! Ça sent le copy fatigué en fin de semaine qui demande à ChatGPT de l’aider à trouver un baseline catchy…
Turin compte 18 km d’arcades piétonnières. Les ducs de Savoie, qui furent un moment les rois du pétrole ici, voulaient pouvoir traverser leur ville sans devoir se soucier de menus détails comme le soleil ou la pluie.
Quelques mots aperçus ici, qui n’existaient sans doute pas du temps des ducs : pizza senza glutine, gelato vegan, vietato parcheggiare monopattini…
Dans les cafés, le double expresso est tellement petit que je me demande s’ils ne confondent pas doppio et mezzo. Ou alors c’est moi qui prononce mal.
Il y a UN gratte-ciel dans le centre de Turin. On le doit à Renzo Piano. En fait, techniquement, il y en a deux : dans les années 30, Mussolini a fait construire la Torre Littoria, splendide ouvrage art deco qui restera le plus haut immeuble d’Europe jusque dans les années 50.
Jacques, avec qui je duolinguise, me rappelle qu’en italien “Io ho un fantasma” ne signifie pas “J’ai un fantasme” mais bien “J’ai un fantôme”. #AaahLesPhrasesDébilesDeDuolingo

J’ai sans doute déjà expliqué cela mais je suis assez peu motivé par tout ce qui a été imaginé avant la révolution industrielle : architecture, art, musique, littérature… Je suis bien plus intéressé par les trucs modernes parce que ça me parle, ça vient me toucher de manière plus intime qu’un bon vieux Caravaggio, une expo sur le Risorgimento ou même un tournedos Rossini (oui, le tournedos était une figure très très rare de composition classique ici en Italie).
Tout ça pour dire que ce qui m’a le plus excité ici à Turin c’est l’incroyable PISTA 500 installée au sommet du Lingotto, l’ancienne usine Fiat. Une piste d’essai de 1200 mètres sur laquelle des générations de bagnoles ont été testées. C’est un endroit juste dingue, Madonna y a tourné un clip, Gianni Versace y a défilé. Aujourd’hui, c’est devenu une fantastique promenade verte de 27 000 m2. Voici le reportage réalisé au mépris de mon vertige.
Mais ce n’est pas tout : mon père m’indique qu’il y avait en Belgique une piste similaire. Renseignements pris, il a raison : l’usine Imperia à Nessonvaux (près de Liège), disposait d’une piste d’essai sur les toits. Elle a été construite à la fin des années 1920 pour éviter les essais dangereux dans le village.
Je suis ravi de cette première incursion en terre piémontaise. Les Turinois sont charmants et accueillants, on y mange super bien et j’ai usé mes semelles sur les grandes allées turinoises. Prossima fermata : Milano !







C’est dit j’y vais !
Désolé, TT 😉