Des nouvelles de Mexico #1
Me voici donc installé à Mexico City ou La Ciudad de Mexico ou CDMX comme on l’abrège ici. Pour six mois. Chez Betty et Victor, en coloc. Dans la colonia Roma, un quartier assez tranquille qui a été immortalisé dans un film trèèèès long du même nom et qui est visible sur Netflix.
Terrassé par le décalage horaire, je note quand même vite fait un truc super important, et ça donne ça : Debut decemnré il fzut prolôger’ldp date de valodote de l’´dma varte de paiement
Le team des dieux aztèques ressemble à une visite chez le logopède 1 : Tlaloc, Quetzalcóatl, Tezcatlipoca…
Etre commerçant, c’est aussi être réactif. Dans mon quartier, un magasin avec que des trucs contre le Covid, genre masques, gel, trucs pour prendre la température…
J’ai décidé de me laisser pousser la moustache, j’hésite entre le camouflage « nazi en fuite » et le look balai-brosse. L’idée générale était (je jure que c’est vrai) d’essayer de me fondre dans la masse. Evidemment, ça marche pas, j’ai définitivement pas une tronche de Mexicain. C’est raté pour ma Pancho Villa-Macho attitude. Et puis, comme me l’a astucieusement rappelé Rocio, « Les métrosexuels, ça existe ici aussi, tu sais. »
Anne a décidé de me donner des leçons de survie.
Leçon numéro 1 : ne jamais marcher sur une plaque d’égout. Avec les tremblements de terre, il n’est pas rare qu’elles cèdent au moment où on s’y attend le moins. Par exemple quand on marche dessus, héhé c’est con hein. C’est d’ailleurs tout aussi flippant quand on roule en voiture : parfois, il n’y a PLUS de plaque d’égout mais un bon gros trou en plein milieu de la rue, qu’il est donc préférable d’éviter. Quel flip.
L’exotisme à portée d’oreille : une reprise en espagnol de VOYAGE VOYAGE de Desireless dans un magasin, aaargh mais qu’ai-je fait au bon goût pour mériter cela ?
Les premières fois que j’ai pris le métro, j’étais pas ultra-rassuré. Du coup, j’avais tout planqué dans mon caleçon et je craignais de me faire dévaliser à chaque mouvement de foule. Et puis, par deux fois, par distraction, j’ai fait tomber un billet par terre. A chaque fois, un charmant passager m’a signalé que j’avais perdu quelque chose. Bien fait pour ma gueule de parano.
Avec les incessants tremblements de terre, pas mal de vieux bâtiments sont totalement de traviole. Lors d’une visite culturelle d’une maison historique, j’ai eu l’impression d’être saoul tellement les sols ne sont pas droits.
J’ai la chance et la malchance d’avoir rencontré Flor. Flor fait la cuisine dans la maison où je vis. Et comme c’est très bon, j’ai évidemment peur de prendre 50 kilos pendant mon séjour. Je me suis donc adapté aux mœurs locales et, plaçant un flingue sur sa tempe, narco style, j’ai menacé Flor des pires sévices pour elle et sa famille si je prenais le moindre kilo.
La ville est tellement grande qu’après quatre jours seulement, mes pieds commencent déjà à trouver que mon slogan « une ville, ça se marche ! » ressemble à une bonne grosse arnaque.
J’essaie donc d’être invisible. Mais avec mon mètre 92, mon short d’explorateur et mes jambes blanches, l’effet n’est pas garanti. « Toi au moins tu assumes entièrement ton statut de touriste », me sussure Gérard, l’air à peine narquois. Je me souviens d’ailleurs de cette remarque, lors d’un voyage précédent, où on m’avait gentiment signalé que « les shorts, c’est pour les enfants et les sportifs », avec le lourd sous-entendu que je n’étais ni l’un ni l’autre.
Quand j’arrive dans une ville, j’aime assez passer par les Airbnb Experiences, qui proposent généralement des activités sortant un peu des sentiers battus. Regardons ce qu’ils proposent ici, tiens.
• Alors je passe le parcours Instagram dans la ville avec un photographe professionnel, ça on trouve partout maintenant, l’idée étant JUSTE de se faire photographier devant des monuments et lieux emblématiques pour ensuite pouvoir, à l’aise, les instagrammer (le monde est formidable, pas vrai) ;
• Antonio propose un cours de dégustation de mezczal (Quoi, genre tu bois et hop le cours est fini ?) ;
• Découvre ton dieu protecteur intérieur et dessine-le (mmmh, pas mal) ;
• Vous aussi, apprenez à dessiner des danseurs (ooookay) ;
• Erendira propose une expérience transformatrice avec un chaman (pourquoi pas, j’adore le transformisme) ;
• Alex a lancé un programme « Bières, masques et lucha libre (ça au moins c’est vraiment rigolo) ;
• Alicia organise des moments « Personal shopping avec une experte locale » (ah ouf enfin un truc normal) ;
• Sinon, il y a aussi ceci : Toi aussi joue à El Chapo en tuant des NON OK ÇA VA LÀ J’INVENTE
Dans les grandes stations de métro, les couloirs sont totalement envahis par des centaines d’échoppes vendant diverses merdouilles. Il y en a tellement qu’aux heures de pointe, ça bouchonne. Derrière chaque échoppe, des pancartes revendicatrices pour la cause féministe. Assez surprenant.
Renseignements pris, ces échoppes font effectivement l’objet d’une controverse. Ces stands à la sauvette sont illégaux mais c’est compliqué car les commerçantes se revendiquent d’un mouvement de défense des droits civiques : « Nous ne sommes pas des vendeuses, nous sommes des femmes en révolte ! » Et ça c’est pas touche, évidemment. Du coup, d’autres vendeurs semblent avoir compris le truc et ont investi les couloirs du métro (pour vendre les mêmes merdouilles et de façon tout aussi illégale) mais en se revendiquant de la cause indigène ou comme étant « issus de la diversité ». Ça se dit, eufemismo ?
Bruno vit dans ma coloc. Je m’étonne auprès de lui de la difficulté de trouver du bon pain à Mexico (à savoir autre chose qu’une horreur industrielle sans saveur). Il me rétorque avec raison qu’ici, c’est plutôt le maïs l’aliment de base, et pas le blé. Vous savez, les tortillas et tout ça. Bruno enfonce le clou : « c’est un peu comme si en Asie, où tu sais qu’on mange du riz à tous les repas, tu te plaignais de ne pas trouver du bon pain, alors que ce n’est clairement pas dans la culture locale. » Touché.
A Coyoacan, l’association locale des peintres et plasticiens propose, sur tout un parc… que des horreurs et des croûtes sans nom. Note to self : penser à renommer l’endroit PLAZA DEL TERTRO quand je serai élu maire de Coyoacan.
Tiens, des nouveaux fruits : jicama (ou pois-patate), mamey (ou sapotier), jocote (ou ciruela huesada, mombin rouge ou encore cirouelle), chayote (ou christophine), nopales (ça c’est facile, c’est des cactus, super courants dans la cuisine ici).
Merci de votre lecture. Le Monde Selon Thierry revient bientôt (le temps de vivre des trucs, hein). En attendant, il y a désormais une page Facebook et un compte Instagram qui n’attendent que vous.
(pour les non-francophones, il semblerait qu’on dise également orthophoniste ou logopédiste, mais ça m’étonnerait !)