DES NOUVELLES DE TOKYO #6
Et soudain vint le froid. Je suis passé du short au pantalon tellement subitement que j’avais oublié comment ça fonctionnait. Mmmh, c’est où encore qu’on passe les jambes ?
Mieux que la drogue : j’ai trouvé du comté et du camembert. Mais au prix de la drogue.
Il faut que je vous avoue un truc : je suis atteint d’une passion dévorante pour le tonkatsu. Une généreuse tranche de porc bien juteuse enveloppée d’une panure croustillante. La tranche de viande est d’abord attendrie à coups de maillet (comme c’est attendrissant) puis badigeonnée d’œuf battu avec un peu d’eau. On la recouvre ensuite de panko (chapelure japonaise) avant de la plonger dans un bain de graisse chaude. Je sais ce que vous allez me dire : ouais, c’est la version locale du wienerschnitzel. En fait oui mais non, car la dite escalope ressemble à une punition à côté (spéciale dédicace à CH) alors qu’ici c’est juste à se damner.
Tant qu’on est sur le sujet, ce dispositif insolite, que je n’ai aperçu qu’une fois… J’en entrevois assez facilement l’utilité, cela étant. Oups, ma montre. Oups, mon iPhone 13. Oups, mes lunettes…
À chacun ses petits problèmes domestiques. En Europe, ce sont les punaises de lit. Ici ce sont … les ours. Ils quittent petit à petit les forêts et se pointent en ville. Ces 6 derniers mois, 58 incidents ont impliqué des ours. Cela a même occasionné un nouveau mot qui buzze : aban bea (urban bear). Causes avancées à cette oursification urbaine : la raréfaction de la nourriture dans les campagnes et le fait qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs, lesquels servaient de tampon entre les ours et les citadins. Bernard, intrépide reporter belge installé ici, a tiré ses propres conclusions de cette étonnante prolifération : « Au train où ça va, peut-être que cela sera plus prudent que tu t'en ailles le mois prochain... » Dont acte, Bernard, dont acte.
Dans le métro, j’ai déjà croisé deux jeunes filles avec une monture de lunettes sans verre. Coquetterie ou gros gros talent marketing chez le fabricant ?
Je mange une glace, bien peinard, assis sur un muret, minding my own business. À côté de moi, une jeune femme au téléphone, extrêmement enjouée et sonore. Quelques petits échanges de regard, un petit signe. Et la voilà soudain qui s’approche de moi, tout en continuant à papoter gaiement. Elle me fait CHUT avec le doigt et me claque une bise sur la joue puis retourne à sa conversation. C’est tellement inhabituel vu la retenue locale que je trouvais crucial de partager ce moment torride avec vous. #AvantagesInsoupçonnésDuTroisièmeAge
Je suis empli d’un agréable sentiment d’apaisement. Il me reste quelques semaines à Tokyo. J’ai l’impression que c’est maintenant que ça devient vraiment doux. Fini, le stress d’avoir vu ou pas ceci. Les excursions sont terminées. Les amis sont passés. Il me reste plein de temps pour me balader dans les rues sans autre but que me faire du bien et profiter de cette splendide opportunité que je me suis offerte voici quelques années : aller de ville en ville et y passer tout le temps que je veux.
Je ne suis pas du genre à faire la pub de Starbuck, parfait représentant de cette mondialisation galopante que je retrouve partout (et dont je fais sans doute partie aussi, hein). Toujours est-il qu’ici au Japon, ils ont été plus adaptatifs qu’ailleurs. Bon nombre de leurs cafés sont extrêmement bien intégrés : au sein d’une librairie, dans une maison ancienne en bois (avec jardin zen), etc. C’était la minute conso mondiale.
Dans un kombini (superette), la bande son c’est du Pat Metheny. Chez nous, c’est du C. Jérôme.
J’apprends que les enterrements sont interdits ici. Crémation obligatoire et ensuite on enterre les cendres. Ce qui veut dire qu’on n’est pas, pour autant, dispensé de la corvée chrysanthèmes sur la tombe de mémé-san. Seule consolation : la Toussaint locale a lieu à la mi-août lors du Ura Bon Festival, un rite bouddhiste qui honore les ancêtres.
Vous connaissez peut-être l’expression vieillotte « coiffer Saint Catherine » qui signifiait, pour les jeunes filles, d’être encore célibataire à l’âge de 25 ans. Ici, jusque dans les années 80, l’expression équivalente était « to be Xmas cake », allusion (bien beauf et patriarcale) au fait qu’un gâteau est censé être mangé à Noël mais pas après car il perd de sa saveur. Elegant, non ? Bon, les mentalités ont heureusement évolué. Et pour info, l’âge moyen du (premier) mariage est aujourd’hui de 31 ans pour les hommes, 29 pour les femmes.
Tiens, si vous voulez changer de continent, avez-vous lu, du même auteur, DES NOUVELLES DE MEXICO ?
Dans la cafétéria CIAO PRESSO de la gare de Nara, le patron a visiblement demandé à son staff d’utiliser quelques expressions italiennes. Leur japonais est ainsi mâtiné de per favore et autres pico bello. Bon je crois que je viens de citer 100% de leur vocabulaire italien, mais je tiens à signaler que le mien n’est pas plus étendu que le leur.
Ici, la couleur de la plaque de la voiture indique sa cylindrée. Je savais que cette info allait vous bouleverser.
Kyoto : c’est charmant, préservé, il y a beaucoup de bâtiments en bois, il y a 2400 temples. Je n’ai rien d’amusant à raconter sur le sujet. Allez, disons : Kyoto = Bruges. Cette notice lapidaire a remporté la mention « peut difficilement faire plus court » au récent Festival du Commentaire Touristique Chiant.
Je suis sidéré. J’apprends qu’il y a deux côtés aux baguettes chinoises, qui sont plutôt japonaises dans ce coin-ci. Un côté « pour manger » et l’autre « pour se servir ». Histoire de ne pas mélanger ses propres miasmes avec ceux des autres. 60 ans et je ne savais pas ça. Mais vous non plus, hein ? Bon, apparemment, c’est juste une solution d’urgence, a priori l’usage recommande plutôt d’autres baguettes destinées exclusivement au service.
Ici, les rues sont pleines de vending machines, ces frigos qui vendent des boissons à la pièce. Des milliers d’entre eux sont programmés pour fonctionner gratuitement en cas de tremblement de terre ou de tsunami.
Les Kit Kat, vous voyez ? Alors que chez nous on en trouve une ou deux variétés à tout casser, ici c’est un festival. Pas moins d’une trentaine de goûts sont disponibles : thé matcha, capuccino, edamame, sauce soja, patate douce… Il semblerait que la folie vienne de la ressemblance de la marque avec l’expression japonaise kitto katsu (tu vas réussir). Des rayons entiers sont disponibles à la vente et ce produit, britannique à la base, est aujourd’hui devenu un véritable emblème de la pop culture japonaise.
J’ai ramené un stock de Kit Kat au saké pour des amis amateurs (de saké). Grosse marrade. Ils sont en haut à gauche du présentoir de ton image.